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seront point confondus. « Approchiez donc de s lui, et soyez éclairés, et vos visages n’auront point à rougir ».
11. Mais, dira quelqu’un, commuent s’approcher de Dieu ? Tant de maux, tant de fautes pèsent sur moi, tant de crimes rugissent dans ma conscience, comment oserai-je approcher de Dieu ? Comment ? En t’humiliant par la pénitence. Mais, dis-tu, je rougis de faire pénitence. Approche donc du – Seigneur, et tu seras éclairé, et ton front ne rougira point. Si la crainte de rougir te détourne de la pénitence, et que la pénitence te rapproche de Dieu ; ne vois-tu pas que tu portes sur ton visage la peine de ton péché, puisque ton front a rougi, précisément parce qu’il n’approche pas de Dieu : et qu’il n’en approche point, parce qu’il ne veut point faire pénitence ? C’est là ce qu’affirme le Prophète : « Le pauvre a crié, et le Seigneur l’a exaucé »[1]. Il t’enseigne la manière d’être exaucé. C’est parce que tu es riche que Dieu ne t’exauce pas. Peut-être as-tu crié sans être exaucé, écoute pourquoi. « Ce pauvre a crié, et Dieu l’a exaucé ». Sois donc pauvre, afin de crier, et le Seigneur t’exaucera. Comment crier dans ma pauvreté ? diras-tu. Ne présume point de tes propres forces, quelles que soient tes richesses ; comprends enfin que tu es dans l’indigence, et que cette indigence doit durer tant que tu ne posséderas pas celui qui doit l’enrichir. Comment le Seigneur l’a-t-il exaucé ? « En le sauvant », dit le Prophète, « de toutes les tribulations ». Comment l’a-t-il sauvé de toutes les tribulations ? « L’ange du Seigneur se placera autour de ceux qui le craignent, et il les délivrera »[2]. Voilà ce qui est écrit, mes frères, et non point comme portent certains exemplaires peu exacts : « Le Seigneur placera son ange autour de ceux qui le craignent » ; mais bien : « L’ange du Seigneur campera autour de ceux qui le craignent, et les délivrera ». Quel est celui qu’il appelle l’ange du Seigneur, et qui doit camper autour de ceux qui le craignent pour les délivrer ? Jésus-Christ Notre-Seigneur est appelé dans les prophéties, l’ange du grand conseil, le messager du grand conseil, ainsi le désignent les Prophètes[3][4]. C’est donc l’ange du grand conseil, ou ce messager, qui campera autour de ceux qui le craignent, afin de les délivrer. Ne craignez point d’échapper à sa vigilance ; partout où vous craindrez le Seigneur, cet ange vous découvrira, et campera autour de vous afin de vous délivrer.
12. Voilà que le Prophète parle maintenant avec clarté de ce sacrement dans lequel il se portait dans ses mains. « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux »[5]. Le psaume ne commence-t-il pas à s’expliquer, et à te montrer cette espèce de folie et de fureur calme, cette folie sage, cette sobre ivresse de ce David, qui désignait en figure je ne sais quel mystère, lorsque dans la personne d’Achis, les Juifs lui dirent : « Comment cela se peut-il ? »[6] Rappelle-toi que le Seigneur disait : « Celui qui ne mange point ma chair et ne boit point mon sang, n’aura pas en soi la vie »[7]. Et ceux qui appartenaient au royaume d’Achis, ou à l’erreur et à l’ignorance, que répondirent-ils ? « Comment celui-ci pourra-t-il nous donner sa chair à manger ? »[8] Si tu l’ignores, goûte, et vois combien le Seigneur est doux : si tu ne le comprends point, tu es le roi Achis. David changera sa face, et il te quittera, il se retirera de toi pour s’en aller.
13. « Bienheureux l’homme qui espère en lui ! »[9] Est-il besoin d’expliquer longuement cette phrase ? Quiconque n’espère pas dans le Seigneur, est misérable. Et qui n’espère point dans le Seigneur ? Celui qui espère en lui-même. Souvent même, ce qui est pire, mes frères, ne l’oubliez point, c’est que les hommes ne veulent point espérer en eux-mêmes, mais dans d’autres hommes. Tant que vivra Gaius Séius, disent-ils, on ne peut rien me faire. Souvent on parle ainsi d’un homme déjà mort. On dit dans cette ville : Tant que cet homme vivra, je n’ai rien à craindre, et souvent alors cet homme est mort dans une autre ville. Cependant il n’y a rien de plus commun que ce langage, et les hommes ne disent point : Je crois en Dieu, qui ne te permettra point de me nuire. Ils ne disent point : Je me confie en Dieu, parce que s’il te donne quelque pouvoir sur moi, il ne t’en donnera point sur mon âme. Mais quand ils disent : J’en jure par le salut de cet homme, d’abord ils ne veulent pas le salut véritable, et de plus ils font tort à ceux dont ils espèrent le salut pour eux-mêmes.
11. « Craignez le Seigneur, vous tous qui êtes ses saints, parce que rien ne manque

  1. Ps. 33,7
  2. Id. 8
  3. Isa. 9,6
  4. selon les LXX
  5. Ps. 33,9
  6. 1 Sa. 21,11
  7. Jn. 6,54
  8. Id. 53
  9. Ps. 33,9