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yeux, et que leur cœur ne le comprenait point. Mais s’ils eussent eu la lumière intérieure de l’âme, aussi bien que celle du jour, les œuvres extérieures leur eussent montré dans Jésus le fils de David, et le mouvement de leur cœur leur eût fait connaître en lui le Seigneur de David.
7. « Il changea donc son visage en présence d’Abimélech »[1]. Qu’est-ce à dire devant Abimélech ? Devant le royaume de son père. Quel royaume de son père ? Devant les Juifs. « Et il le laissa, et il s’en alla ». Qui laissa-t-il ? Ce peuple Juif qui s’en est allé. Cherche maintenant le Christ chez les Juifs, tu ne l’y trouveras point, Comment les a-t-il laissés, et sont-ils partis ? Parce qu’il a changé son visage. Ils se sont obstinés dans le sacrifice selon l’ordre d’Aaron, et n’ont point accepté le sacrifice selon l’ordre de Melchisédech[2], et ils ont perdu le Christ, qui est devenu l’héritage des nations, auxquelles cependant il n’avait pas envoyé ses Prophètes. Car il avait envoyé aux Juifs, et David et Isaac, et Jacob, et Isaïe, et Jérémie, et les autres Prophètes ; mais peu d’entre les toits les ont compris : je dis peu, en comparaison de ceux qui ont voulu périr ; car ils étaient assez nombreux en eux-mêmes, et nous lisons qu’il y en avait des milliers. Il est écrit en effet : « Les restes seront sauvés »[3]. Mais aujourd’hui vous chercherez vainement des chrétiens circoncis, vous n’en trouverez point. Néanmoins, dans les premiers temps de ta foi, la circoncision fournit des milliers de chrétiens. Vous en chercherez maintenant, s’il n’y en a plus, Mais c’est avec raison que vous n’en trouvez point. « Car il a changé son visage devant Abimélech, et il l’a quitté et s’en est allé ». Il contrefit encore son visage devant Achis et il le laissa, et s’en alla. Ici les noms sont changés, afin que ce changement dans les noms, nous engageât à en chercher la raison mystérieuse ; de peur que nous n’en vinssions à croire qu’il n’y a de raconté et de mentionné dans les psaumes, que les histoires contenues dans les livres des Rois, sans nous mettre en peine d’en chercher les symboles, mais en regardant ces faits comme de simples histoires. Quel est donc le dessein de Dieu sur vous dans ces changements de noms ? Il y a ici un mystère caché ; frappez sans vous en tenir à la lettre, car la lettre tue ; cherchez l’Esprit, parce que l’Esprit vivifie[4]. La connaissance de l’Esprit sauve le vrai fidèle.
8. Voyons maintenant, mes frères, comment il quitta le roi Achis. Achis, avons-nous dit, signifie : Comment cela est-il ? Car, souvenez-vous de ce que rapporte l’Évangile. Quand Notre-Seigneur Jésus-Christ parla de son corps, il dit aux Juifs : « Si quelqu’un ne mange ma chair et ne boit mon sang, il n’aura pas la vie en lui-même ; car ma chair est une véritable nourriture, et mon sang un véritable breuvage »[5]. Les disciples qui le suivaient furent saisis d’étonnement, ils eurent horreur de cette parole, et sans la comprendre, ils s’imaginèrent qu’il leur tenait je ne sais quel langage trop dur, comme s’ils devaient manger cette chair telle qu’ils la voyaient, et boire son sang : ils ne purent supporter ce discours, disant en quelque sorte : Comment cela est-il ? Le roi Achis est ici la figure de l’erreur, de l’ignorance, de la folie. Quiconque dit : Comment, ne comprend pas ; et ne pas comprendre est le propre des ténèbres de l’ignorance. Donc ils étaient – sous l’empire de l’ignorance, ou du roi Achis ; c’est-à-dire que la puissance de l’erreur les dominait. Jésus disait : « Si quelqu’un ne mange ma chair, et ne boit mon sang ». Mais il avait changé son visage, et l’on ne voyait qu’une exaltation, une folie à donner à des hommes sa chair à manger, son sang à boire. Ainsi David passa pour un fou devant Achis, qui s’écria : « Pourquoi m’amener ce furieux ? »[6]. Mais ne voit-on pas de la folie dans ces paroles : « Mangez ma chair, et buvez mon sang ? » Et en disant : « Si quelqu’un ne mange ma chair et ne boit mon sang, il n’aura pas en lui-même la vie »[7]. Jésus est pris pour un insensé. Mais c’est le roi Achis, qui le prend pour un insensé, ou plutôt les vrais fous, les ignorants. Il les laisse donc et s’en va : leur cœur demeure sans intelligence, afin qu’ils ne le comprennent point. Comment lui ont-ils parlé ? en disant en quelque sorte : Comment cela est-il ? ce qui est la signification d’Achis. Ils dirent en effet : « Comment celui-ci pourra-t-il nous donner sa chair à manger ? »[8] Ils regardaient le Seigneur comme un insensé, un homme en détire, ne sachant ce qu’il

  1. 1 Sa. 21,13
  2. Héb. 7,11
  3. Rom. 9,27
  4. 2 Cor. 3,6
  5. Jn. 6,54-56
  6. 1 Sa. 21,14
  7. Jn. 6,54
  8. Id. 53