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et voilà pourquoi cette histoire est écrite avec un changement de noms.
3. Vous comprenez, mes frères, la profondeur des figures mystérieuses. S’il n’y a point de figure dans la mort de Goliath[1], renversé par un enfant, il n’y en a point non plus pour David à changer son visage, à contrefaire la folie, à frapper sur un tambour[2], à heurter la porte de la ville et le seuil de la porte, à laisser couler sa salive sur sa barbe. Comment serait-il possible qu’il n’y eût point là quelque figure, quand l’Apôtre nous dit clairement : « Que toutes ces choses qui arrivaient (à nos pères), étaient des figures, et qu’elles sont été écrites pour nous instruire, nous qui nous trouvons à la fin des temps ? »[3] S’il n’y a point de figure dans la manne, dont l’Apôtre a dit « qu’ils mangèrent un pain spirituel »[4] ; s’il n’y a nulle figure dans la mer qui se divisa pour laisser passage aux enfants d’Israël, et les délivrer des poursuites de Pharaon, quand l’Apôtre nous dit : « Je ne veux point, mes frères, vous laisser ignorer que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse, dans la nuée et dans la mer »[5] ; si elle n’était point figurative, cette pierre que frappa Moïse, et qui donna de l’eau ; bien que « cette pierre soit le Christ »[6], selon saint Paul ; si donc ces faits, quoique réels, n’avaient aucune signification, s’il n’y avait aucune figure dans les deux fils d’Abraham qui lui sont nés selon l’ordre commun des hommes, bien que l’Apôtre appelle ces deux enfants les deux Testaments, l’Ancien et le Nouveau, et qu’il dise : « Ce sont là les deux testaments sous une allégorie »[7] ; si donc il n’y a aucune figure dans tous ces actes qui nous sont donnés ranime des symboles de l’avenir, par une autorité apostolique, nous devons croire qu’il n’ya rien non plus de significatif dans cette histoire du livre des Rois, que je viens de vous raconter au sujet de David. Mais ce n’est pas sans mystère que le nom est changé, et que l’on a écrit, « en présence d’Abimélech ».
4. Examinez donc avec moi. Tout ce que je viens de vous dire, est pour vous engager à frapper à ta porte, qui n’est point encore ouverte. Vous le dire, c’était frapper, et, pour nous encore, l’écouter, c’était frapper. Frappons aussi par la prière, afin que le Seigneur nous ouvre enfin. Nous avons le sens des noms hébreux ; il n’a pas manqué d’hommes savants pour les traduire de l’hébreu en grec, et du grec en latin. Si donc nous examinons de près ces noms, nous trouvons que Abimélech signifie le royaume de mon Père ; et Achis, comment cela est-il ? Expliquons ces noms, et la porte va s’ouvrir sous nos coups. Si tu demandes : Que signifie Achis ? on te répond qu’il signifie : Comment cela est-il ? Mais comment, c’est le mot d’un homme qui admire sans comprendre encore. Abimélech, le royaume de mon Père : David, la main puissante. Or, David était la figure du Christ, comme Goliath était la figure du diable : et David qui renverse Goliath, est la figure du Christ qui renverse le démon. Mais qu’est-ce que le Christ qui donne la mort au démon ? C’est l’humilité qui tue l’orgueil. Ainsi, mes frères, nommer le Christ, c’est principalement nous prêcher l’humilité. C’est par l’humilité qu’il nous a ouvert le chemin du ciel : l’orgueil nous avait séparés de Dieu, nous ne pouvions retourner à lui que par l’humilité, et nous n’avions aucun modèle que nous pussions suivre. Les hommes, ces chétifs mortels, étaient pleins d’orgueil, et si quelques-uns avaient l’esprit d’humilité comme les Prophètes, les patriarches, la race humaine dédaignait de les suivre dans leur humilité. Mais afin que l’homme ne refusât plus d’imiter l’humilité d’un autre homme, voilà que Dieu s’est fait humble, afin que l’homme dans son orgueil ne dédaignât plus de suivre les pas d’un Dieu.
5. Vous le savez, il y avait jadis, chez les Juifs, un sacrifice selon l’ordre d’Aaron, et dont les victimes étaient des animaux : tout cela était figuratif : alors n’existait point ce sacrifice du corps et du sang du Seigneur, que connaissent les fidèles et ceux qui ont lu l’Évangile, et qui est aujourd’hui répandu sur toute la terre. Représentez-vous donc deux sacrifices, l’un selon l’ordre d’Aaron, l’autre selon l’ordre de Melchisédech, dont il est écrit : « Le Seigneur l’a juré, et sa parole est sans repentir : Vous êtes prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédech[8] ». De qui le Psalmiste dit-il : « Vous êtes prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédech ? » De Notre-Seigneur Jésus-Christ. Qu’était Melchisédech ? Roi de Salem. Or, Salem fut autrefois

  1. 1 Sa. 17,50
  2. Id. 18
  3. 1 Cor. 10,11
  4. Id. 3
  5. Id. 1-4
  6. Id. 4
  7. Gal. 4,24
  8. Ps. 109,4