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ce qui est impossible, mais ils ne recherchent le mal, qu’afin d’éviter le malheur. Que dis-je ? ils ne recherchent le mal qu’afin d’éviter le malheur. Considérez en effet, mes frères, que tout homme qui fait le mal, cherche toujours à être heureux. Il commet un larcin et vous en demandez la cause ? Mais c’est la faim, c’est la nécessité. Il est donc méchant pour éviter le malheur ; et il est d’autant plus malheureux, qu’il est encore méchant C’est donc pour écarter la misère, et pour acquérir la félicité, que les hommes agissent en bien ou en mal, ils recherchent incessamment le bonheur. Que leur vie soit criminelle ou coupable, c’est le bonheur qu’ils cherchent ; mais tous n’atteignent pas le but de leurs recherches, et il n’y aura d’heureux que ceux qui auront voulu être justes. Et pourtant voilà je ne sais quel homme qui, pour faire le mal, voudrait être heureux. Par quels moyens ? Par ses richesses, son or et son argent, ses domaines, ses terres, ses palais, ses esclaves, par une pompe toute mondaine, un honneur frivole et qui s’évapore. Ils veulent posséder pour être heureux ; mais toi, cherche ce qui te donnera le bonheur. Dans la félicité, tu seras sans doute meilleur que dans l’adversité. Mais il est impossible que tu deviennes meilleur, en possédant ce qui vaut bien moins que toi. Tu es homme, et tout ce que tu désires pour être heureux, est bien au-dessous de toi. L’or, l’argent, tout ce qui est corporel, dont tu convoites si avidement l’acquisition, la possession, la jouissance, tout cela est bien inférieur à toi. Tu es plus que tout cela, tu as une valeur bien supérieure ; et pour toi qui es misérable, désirer le bonheur, c’est désirer d’être meilleur que tu n’es. Il est mieux assurément d’être heureux que d’être malheureux. Donc tu veux être supérieur à toi-même ; et tu demandes cette supériorité à des choses qui te sont bien inférieures ; car tout ce que tu peux rechercher sur la terre, est bien au-dessous de toi. C’est là ce que tout homme souhaite à son ami, dans ses protestations d’attachement Puisses-tu aller mieux ; puissions-nous te voir en meilleur état ; puissions-nous nous réjouir de ton amélioration. Or, il veut pour lui-même, ce qu’il souhaite à son ami. Reçois donc un avis infaillible ; tu veux être mieux que tu n’es, je le sais, nous le savons tous, et même nous le désirons tous ; eh bien ! cherche ce qui est au-dessus de toi, afin d’être ainsi plus que tu n’es.
16. Regarde maintenant le ciel et la terre : que ces créatures douées de beauté n’aient point pour toi des charmes tels que tu cherches en elles son bonheur. Tu trouveras dans ton âme ce que tu désires. Tu veux le bonheur, cherche dans ton esprit ce qui lui est supérieur. Nous sommes formés d’une double substance, de l’âme et du corps, et comme de ces deux, celle qui est supérieure, est celle qu’on appelle âme, ton corps peut devenir meilleur par cette substance, qui a la supériorité, car le corps est soumis à l’âme. Donc ton âme peut améliorer ton corps, eu sorte que ce corps devienne immortel quand l’âne sera juste. Car c’est par l’illumination de l’âme que le corps mérite d’être immortel, en sorte que c’est la substance supérieure, qui répare la substance inférieure. Si donc ton âme est pour ton corps le bien, à cause des a supériorité, quand tu cherches ton bien, il faut le chercher dans ce qui est supérieur à ton âme. Or, qu’est-ce que ton âme ? Considère-le, de peur que, méprisant cette âme, et la prenant pour quelque chose de vil et d’abject, tu n’ailles chercher pour cette âme un bonheur trop bas. C’est dans ton âme qu’est l’image de Dieu[1], et l’esprit de l’homme est capable de cette image ; il l’a donc reçue mais il la défigure en s’inclinant vers le péché. Voilà que vient, pour la réformer, celui qui l’avait d’abord formée ; car c’est par le Verbe que tout a été fait, et par le Verbe que cette image avait été empreinte en nous. Le Verbe est donc venu, afin de nous dire parla bouche de l’Apôtre : « Transformez-vous par le renouvellement de votre esprit »[2]. Il nous reste donc à chercher ce qui est supérieur à ton âme. Qui sera-ce, je te le demande, si ce n’est Dieu ? Tu ne trouveras pas une autre supériorité pour ton âme ; car ta nature une fois perfectionnée sera égale ana anges. Il n’y a donc au-dessus de nous que le Créateur. C’est vers lui qu’il faut t’élever, sans découragement, sans dire : C’est bien difficile. Il est plus difficile pour toi peut-être de posséder cet or que tu convoites. Malgré tes désirs, il est bien possible que tu n’en puisses avoir ; mais Dieu, tu l’auras si tu le veux ; car il a prévenu ta volonté en venant

  1. Gen. 1,27
  2. Rom. 11,2