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s’il a prédit que ce pardon des péchés serait annoncé chez toutes les nations, « la terre test pleine de la miséricorde du Seigneur ». De quoi la terre est-elle pleine ? de la divine miséricorde. Pourquoi ? parce que le Seigneur remet partout les péchés, parce qu’il a envoyé les cieux pour pleuvoir sur la terre.
8. Et comment ces cieux ont-ils osé s’en aller avec tant d’assurance ; et, d’hommes faibles qu’ils étaient, sont-ils devenus des cieux, sinon parce que « le Verbe de Dieu leur a donné la foi ? » D’où serait venu à ces brebis tant de courage parmi les loups, si « l’Esprit de sa bouche n’eût été leur force ? Voilà », dit le Sauveur, « que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups »[1]. O Seigneur, Dieu de miséricorde ! vous en agissez de la sorte, afin que vos miséricordes se répandent par toute la terre. Si donc telle est votre miséricorde que la terre en soit comblée, considérez ceux que vous envoyez, et où vous les envoyez. Où les envoyez-vous, dis-je, et quels hommes envoyez-vous ? Vous envoyez des brebis au milieu des loups. Mais envoyez un loup, un seul, au milieu d’un troupeau innombrable de brebis, qui lui résistera ? Quel carnage n’en fera-t-il pas, s’il n’est bientôt rassasié ? Autrement il dévorera tout. Vous envoyez donc des hommes faibles parmi des hommes sanguinaires ? Je les envoie, dit-il, parce qu’ils deviendront des cieux pour arroser la terre. Comment des hommes infirmes sont-ils des cieux ? c’est que « le souffle de sa bouche fait toute leur force ». Voilà que bientôt les loups vous saisiront, vous traîneront en jugement, vous feront paraître devant les puissances, à cause de mon nom. Quant à vous, revêtez-vous de vos propres armes. Sera-ce de votre vertu ? Non. « Ne pensez point à ce que vous répondrez : car ce n’est point vous qui parlerez, mais l’esprit de votre Père qui parlera en vous[2] ; car c’est dans le souffle de sa bouche qu’est toute leur force ».
9. C’est là ce qui est arrivé ; les Apôtres sont allés dans le monde, ils ont souffert de grands maux. Car souffrons-nous autant pour entendre ces vérités, qu’ils ont souffert pour les annoncer ? Non assurément. Notre labeur sera-t-il pour cela sans fruit ? Non encore. Je vous vois en foule compacte ; mais vous, voyez la sueur de mon front. Si nous souffrons avec le Christ, nous régnerons aussi avec lui[3]. Cela s’est donc fait. Et aujourd’hui nous célébrons la mémoire des martyrs, ou de ces brebis envoyées au milieu des loups[4]. Ce lieu où nous parlons était infesté de loups, quand fut égorgé le bienheureux martyr Cyprien : une seule brebis que l’on saisit fut plus forte que tous les loups ensemble, une seule brebis égorgée a peuplé de brebis cette contrée. Alors la mer en courroux soulevait le flot des persécutions, et couvrait la terre sèche, qui avait soif du ciel de Dieu. Aujourd’hui le nom de Jésus-Christ est glorifié par les douleurs qu’ont endurées ceux qui ont brisé les persécuteurs dans leur choc : et il s’est assujetti toutes ces puissances, en foulant aux pieds ce flot de l’abîme. Or, quand tout cela s’est accompli, pensez-vous qu’ils voient d’un œil calme et sans frémir de colère, et nos assemblées, et nos fêtes, et nos solennités, et ces manifestations publiques de notre culte, ceux qui en sont les témoins, sans partager notre foi ? C’est alors que s’accomplit sur eux cette prophétie : « Le pécheur verra, et il frémira de colère ». Mais qu’arrivera-t-il de cette colère ? O brebis, ne craignez plus ce loup féroce. Ne redoutez maintenant, ni sa rage, ni ses impuissantes menaces. Il s’irrite : mais après ? « Il grincera des dents, il séchera de dépit »[5].
10. Mais comme cette eau salée de la mer, qui demeure encore parmi nous, n’ose plus s’élever contre les chrétiens, et qu’elle dévore en elle-même son propre courroux ; parce que cette eau frémit de se trouver renfermée dans un corps mortel, écoutez ce qui suit : « Il rassemble comme dans une outre les eaux de la mer »[6]. Donc cette mer, qui soulevait librement contre nous ses flots tumultueux, n’est plus qu’une amertume renfermée dans quelques poitrines mortelles, et telle est l’œuvre de celui qui a vaincu dans les siens, qui a posé des digues à la mer a, afin que ses flots refoulés en son sein, brisassent contre eux-mêmes leur propre fureur. C’est lui qui a rassemblé comme dans une outre les eaux de la mer : et toute pensée d’amertume dans un corps humain[7]. Or, ces hommes hostiles, craignant pour leur vie, retiennent à l’intérieur, ce qu’ils n’osent montrer au-dehors. C’est toujours pour nous la même amertume, la même haine, la même fureur ; fureur autrefois à ciel ouvert, et

  1. Mt. 10,16
  2. Id. 19,20
  3. 2 Tim. 2,12
  4. Mt. 10,15
  5. Ps. 111,10
  6. Ps. 32,7
  7. Prov. 8,29