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DISCOURS SUR LE PSAUME 30.==

DEUXIÈME SERMON. – CONTRE LES DONATISTES.

Ce sermon, qui embrasse le second tiers du psaume, a pour objet les douleurs et les gémissements de l’Église à cause des mauvais chrétiens et des Donatistes.


1. Reportons, mes frères, notre attention sur la suite du psaume, et considérons-nous dans la personne du Prophète. Car si nous comprenons que nous sommes dans un temps d’affliction, nous aurons de la joie, au jour de la récompense. Je vous ai fait remarquer, mes frères, en exposant les premiers versets de notre psaume, que c’est Jésus-Christ qui parle ; je ne vous ai point déguisé que le Christ ici se doit dire du chef et des membres ; et il me semble que les témoignages des Écritures que j’ai cités, établissaient, avec la dernière évidence et de manière à n’en pas laisser douter, que le Christ s’entend de la tête et du corps, de l’Époux et de l’Épouse, du Fils de Dieu et de l’Église, du Fils de Dieu fait homme pour nous, afin d’élever les fils des hommes à la qualité de fils de Dieu ; afin que, par un sacrement ineffable, ils fussent deux dans une même chair, comme ils sont deux dans une même voix chez les Prophètes. Le psalmiste a donc remercié Dieu par ces paroles : « Vous avez regardé favorablement ma bassesse ; vous avez arraché mon âme à ses sujétions, vous ne m’avez point resserré entre les mains de mon ennemi, et vous avez mis mes pieds au large[1].) ». Telles sont les actions de grâces de l’homme échappé à la tribulation, de tous les membres du Christ échappés à la douleur et aux embûches. « Ayez pitié de moi, Seigneur », s’écrie-t-il de nouveau, « parce que je suis opprimé ». S’il est opprimé, il est à l’étroit ; comment disait-il alors : « Vous avez mis mes pieds au large ? » Comment ses pieds sont-ils au large, s’il est encore dans l’oppression ? À moins peut-être qu’il n’y ait qu’une seule voix, comme il n’y a qu’un seul corps qui parle ; mais que plusieurs membres soient au large et d’autres à l’étroit, c’est-à-dire que plusieurs trouveraient faciles les œuvres de justice, tandis que d’autres gémiraient dans l’angoisse ? Car si les membres n’étaient point dans des situations différentes, l’Apôtre ne dirait point : « Si un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui ; et si un membre reçoit de l’honneur, tous les autres s’en réjouissent avec lui »[2]. Quelques églises, par exemple, ont la paix, d’autres sont dans la tribulation ; chez celles qui sont en paix, les pieds sont au large, tandis qu’ils sont à l’étroit chez celles qui sont dans l’angoisse : mais la douleur des uns afflige ceux qui sont en paix, et la paix des autres console ceux qui souffrent. Il y a donc dans lu corps une telle unité, que tout schisme en est banni, et le schisme n’est que le fruit de la dissension. La charité forme le lien, le lien resserre l’unité, l’unité conserve la charité, la charité arrive aux splendeurs éternelles. Que le corps donc s’écrie au nom de quelques membres : « Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans l’angoisse, votre colère a jeté le trouble dans mes yeux, dans mon âme et dans mes entrailles »[3].
2. Cherchons alors d’où vient cette tribulation, puisque, tout à l’heure, l’interlocuteur paraissait s’applaudir de sa délivrance, ainsi que de la justice dont Dieu avait généreusement enrichi son âme, et du large espace que la charité avait tracé à ses pieds. D’où vient donc cette affliction, sinon peut-être de cette parole qu’a dite le Seigneur : « Et comme abondera l’iniquité, la charité de plusieurs se refroidira »[4]. Car, après que le Seigneur eut recommandé le petit nombre des saints, il fit jeter le filet à la mer, et l’Église prit de l’accroissement, d’innombrables poissons furent saisis, selon cette prédiction : « J’ai publié ces merveilles, je les ai prêchées, et les auditeurs

  1. Ps. 30,8-9
  2. 1 Cor. 12,26
  3. Ps. 30,10
  4. Mt. 24,12