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pour jamais sous la puissance du démon qui nous embarrasse dans les convoitises de cette vie, et nous effraie par la mort. « Vous avez affermi mes pas dans la voie spacieuse ». La résurrection du Sauveur, que je connais, la mienne qui m’est promise, dégagent mon amour des étreintes de l’effroi et lui ouvrent la voie spacieuse de la liberté.
10. « Ayez pitié de moi, ô Dieu, parce que je suis dans l’affliction »[1]. D’où vient chez mes persécuteurs cette cruauté soudaine qui m’inspire de l’effroi ? « Ayez pitié de moi, ô Dieu ». Ce n’est point la mort qui m’effraie, mais bien les tortures et les douleurs. « La colère a jeté le trouble dans mes yeux ». Craignant d’être abandonné, je vous suppliais du regard, et la colère y a jeté le trouble. « Il s’en est de même de mon âme et de mes entrailles ». Cette même colère a aussi troublé non âme et ma mémoire, qui me rappelait et les douleurs de mon Dieu pour moi, et ses promesses.
11. « Ma vie a défailli dans la souffrance »[2]. Ma vie est de confesser votre nom, mais elle a défailli dans la douleur, quand l’ennemi a dit : Les chrétiens à la torture jusqu’à l’abjuration. « Mes années s’écoutent dans les gémissements ». On n’abrège point par la mort ces jours que je dois passer ici-bas, mais on me laisse vivre, et vivre dans les gémissements. « La disette affaiblit ma vigueur ». Mon corps a besoin de santé, et on ne lui épargne pas les tourments ; j’ai besoin de mourir et on me le refuse ; dans ce double besoin, mon espoir s’affaiblit. « Et mes ossements sont dans le trouble ». Et le trouble vient ébranler ma constance.
12. « Plus que tous mes ennemis, je suis devenu un objet d’opprobre »[3]. Tous mes ennemis sont des impies, et néanmoins ils ne subissent le châtiment de leurs crimes que jusqu’à l’aveu : pour moi, ma confusion est plus grande, j’avoue ma faute, et au lieu de la mort, je rencontre la douleur. « Mes voisins y trouvent de l’excès ». C’est là ce qui paraît excessif à ceux qui s’approchaient de moi pour vous connaître, et pour embrasser ma foi. « Ceux qui me connaissent en sont dans la stupeur ». La vue de mes souffrances a frappé d’horreur et de crainte ceux qui me connaissent. « Ceux qui me voyaient au-dehors s’enfuyaient loin de moi ». Ceux qui ne comprenaient pas mon espoir intérieur et invisible, se jetaient dans les joies visibles et superficielles.
13. « Je suis dans l’oubli comme un mort effacé du cœur »[4]. Ils m’ont oublié comme si j’étais mort dans leur cœur. « Je suis pour eux comme un vase brisé ». Je me suis cru inutile au service de Dieu, en vivant ici-bas, sans lui gagner personne, car chacun craignait de s’attacher à moi.
14. « J’ai entendu le blâme de la multitude qui m’environnait »[5]. Dans mon pèlerinage ici-bas, j’ai reçu les outrages de la foule qui m’environnait, qui suivait le cours du siècle, et qui refusait de retourner avec moi dans la patrie éternelle. « Et comme ils s’assemblaient contre moi, ils cherchaient les moyens de surprendre mon âme ». Pour amener à leurs complots mon âme qui pouvait leur échapper par la mort, ils ont formé le dessein de m’éloigner de la mort.
15. « Mais moi, Seigneur, j’ai mis en vous mon espoir ; j’ai dit : Vous êtes mon Dieu »[6]. Car vous n’êtes point changé et vous ne châtiez que pour sauver.
16. « Mon sort est entre vos mains »[7]. Mon sort est en votre puissance. Car je ne vois en moi aucun mérite qui ait fixé votre choix, pour me séparer de tous les hommes pécheurs. S’il est en vous quelque dessein juste et caché qui vous ait porté à me choisir, pour moi, je l’ignore, et c’est le sort qui m’a donné une part dans la robe du Seigneur[8]. « Délivrez-moi des mains de mes ennemis et de mes persécuteurs »[9].
17. « Projetez sur votre serviteur le reflet de votre face »[10]. Faites connaître à tous les hommes qui ne pensent pas que je vous appartienne, que votre face est toujours attentive à mon sujet, et que je suis votre serviteur. « Sauvez-moi dans votre miséricorde ».
18. « Seigneur, que je ne sois point confondu, parce que c’est vous que j’invoque »[11]. O Dieu, que je n’aie pas à rougir, devant ceux qui m’insultent, d’avoir eu recours à vous. « Quant aux impies, qu’ils rougissent, et soient conduits aux enfers ». Qu’ils soient dans la confusion et dans les ténèbres, ceux qui adorent la pierre.
19. « Silence aux lèvres trompeuses »[12]. En faisant connaître aux peuples vos sacrements

  1. Ps. 30,10
  2. Id. 2
  3. Id. 12
  4. Ps. 30,13
  5. Id. 14
  6. Id. 15
  7. Id. 16
  8. Jn. 19,24
  9. Ps. 30,16
  10. Id. 17
  11. Id. 18
  12. Id. 19