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fondement aux corps qui ont une tendance à descendre. Mais l’Église de Dieu, construite sur la terre, fend à s’élever au ciel. C’est donc là qu’est sa pierre fondamentale, qui est Jésus-Christ Notre-Seigneur, assis à la droite de son Père. Si donc, mes frères, vous avez compris que la dédicace de notre pierre fondamentale est déjà faite, écoutons et parcourons brièvement tout le psaume.
11. « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez élevé, et que vous n’avez pas donné à mes ennemis la joie de ma ruine »[1]. À quels ennemis ? Aux Juifs. Par la dédicace de la pierre fondamentale, nous devons entendre la dédicace de notre palais à venir. Ce qui se dit aujourd’hui de la pierre fondamentale, se doit dire alors du palais tout entier. Quels sont donc ces ennemis dont il est question ? Sont-ce les Juifs ou bien le diable et ses anges, qui ont dû s’enfuir couverts de honte, à la résurrection du Christ ? Le prince de la mort eut la douleur de voir la mort vaincue. « Et vous n’avez pas souffert que mes ennemis se réjouissent à mon sujet » ; car les enfers n’ont pu me retenir.
12. « Seigneur, mon, Dieu, j’ai crié vers « vous et vous m’avez guéri »[2]. Le Seigneur avant sa passion pria son Père[3] sur la montagne, et son Père le guérit. Comment guérir celui qui n’a point langui ? Est-ce le Verbe Dieu, ce Verbe qui est la divinité, qui a été guéri ? Non, mais il portait une chair mortelle, il portait ta blessure, celui qui devait t’en guérir. Cette chair a donc été guérie. Quand ? À la résurrection du Christ. Écoute l’Apôtre, et constate une véritable guérison « La mort », dit-il, « a été ensevelie dans son triomphe. O mort ! où est donc ton aiguillon ? O mort ! où est ta prétention ? »[4]. Ce sera donc à nous de chanter un jour ce triomphe que Jésus-Christ chante aujourd’hui.
13. « Seigneur, vous avez retiré mon âme du tombeau ». Il n’est pas besoin d’expliquer ce passage. « Vous m’avez séparé de ceux « qui descendent dans l’abîme »[5]. Qui donc descend dans l’abîme ? Tous les pécheurs qui se plongent dans le gouffre. Car cet abîme, c’est la profondeur du siècle ; et qu’est-ce que la profondeur du siècle ? C’est l’océan de la luxure et de l’iniquité. Celui-là dès lors descend dans l’abîme, qui se plonge dans la luxure et dans les terrestres convoitises. Tels furent les persécuteurs du Christ. Mais que dit-il ici ? « Vous m’avez sauvé de ceux qui « descendent dans l’abîme ».
14. « Saints du Seigneur, célébrez ses louanges »[6]. Puisque votre chef est ressuscité, vous qui êtes ses membres, espérez pour vous ce que vous voyez en lui : espérez pour les membres ce que vous croyez pour la tête. C’est un proverbe ancien et réel, que là où est la tête, là sont aussi les membres. Jésus-Christ, notre chef, est au ciel ; c’est là que nous le suivrons. Il n’est point demeuré dans l’abîme, il est ressuscité pour ne plus mourir ; pour nous, non plus, il n’y aura plus de mort quand nous aurons passé par la résurrection. Dans la joie de ces promesses, « chantez donc au Seigneur, vous qui êtes ses saints, et rendez témoignage au souvenir de sa sainteté »[7]. Qu’est-ce : « Rendez témoignage au souvenir ? » Vous l’avez oublié, mais lui s’est souvenu de vous.
15. « Sa colère amène le châtiment, et la vie est dans sa volonté ». Le châtiment est dans son indignation contre le pécheur : « Au jour où vous en mangerez, vous mourrez »[8]. Nos parents y portèrent une main rebelle, et furent chassés du paradis, parce que sa colère amène le châtiment ; mais ce châtiment n’est point sans espérance, car « la vie est dans sa volonté ». Qu’est-ce à dire « dans sa volonté ? » Non pas dans nos propres forces, non plus que dans nos propres mérites ; mais il nous a sauvés, parce qu’il l’a voulu ; et non parce que nous en étions dignes. De quoi le pécheur peut-il être digne, sinon du châtiment ? Il nous a donné la vie, et s’il la conserve au pécheur, que ne réserve-t-il pas au juste ?
16. « Le soir s’écoulera dans les pleurs »[9]. Ne vous effrayez point si le Prophète nous parle de gémir après nous avoir dit : « Chantez dans la joie » ; le chant est l’expression de la joie, la prière celle du gémissement. Gémissez donc sur votre état présent, chantez votre avenir ; gémissez de la réalité actuelle, chantez votre espérance. « Le soir s’écoulera dans les pleurs ». Quel est « ce soir qui voit les pleurs ? » Le soir, c’est le moment où le soleil se couche. Or, le soir s’est couché pour l’homme, c’est-à-dire cette lumière de la justice qui est la présence de Dieu en nous. Que

  1. Ps. 29,2
  2. Id. 3
  3. Mt. 26,39
  4. 1 Cor. 15,54
  5. Ps. 29,4
  6. Ps. 29,5
  7. Id. 6
  8. Gen. 2,17
  9. Ps. 29,5