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monté aux cieux, pour s’asseoir à la droite de son Père. Néanmoins, je ne crois pas m’être trompé ; car l’Apôtre a dit : « Nul ne peut poser une base autre que celle qui a été posée, et cette base est Jésus-Christ : si l’on élève sur cette base un édifice en or, en argent ou en pierres précieuses »[1]. Ceux qui mènent une vie sainte, qui honorent et qui bénissent Dieu, qui sont patients dans les tribulations, qui soupirent après la patrie, ceux-là bâtissent en or, en argent, en pierres précieuses ; ceux qui aiment encore le monde, qui sont encore impliqués dans les affaires d’ici-bas, enchaînés par des affections charnelles à leurs domaines, à leurs Épouses, à leurs enfants, et qui néanmoins demeurent chrétiens, de sorte que leur cœur ne se sépare point du Christ, et ne, met rien avant le Christ, de même qu’en construisant on ne met rien avant la base ; ceux-là bâtissent, à la vérité, mais en bois, en foin, en paille. Or, que dit saint Paul après cela ? « Le feu éprouvera l’ouvrage de chacun ». Le feu de l’épreuve et de la tribulation ; cette flamme qui a éprouvé ici-bas plusieurs martyrs, et qui éprouvera la race humaine au dernier jour. Il s’est trouvé des martyrs qui avaient de ces liens du monde. Combien de riches et de sénateurs ont enduré la mort ! Cependant quelques-uns d’entre eux bâtissaient en bois, en foin, en paille, à cause des soins et des affections de la chair et du monde ; mais comme ils avaient le Christ pour base, et qu’ils construisaient sur cette pierre fondamentale, le foin a brûlé, et eux ont subsisté sur le fondement. C’est ce que nous dit l’Apôtre : « Si l’ouvrage de quelqu’un subsiste, il en recevra la récompense »[2], et sans aucune perte ; car il trouvera ce qu’il a aimé. Qu’a donc fait à ces hommes le feu de la tribulation ? Il les a éprouvés : « Si l’ouvrage de quelqu’un subsiste, il en recevra la récompense ; mais celui dont l’œuvre sera consumée par le feu, en subira un dommage ; il sera néanmoins sauvé, mais comme par le feu »[3]. Or, n’être pas atteint du feu, est bien différent d’être sauvé en passant par le feu. D’où vient ce salut ? De la base de l’édifice. Que cette base ne s’éloigne donc jamais de notre cœur. Ne pose jamais cette base sur le foin, c’est-à-dire ne préfère point le foin ou la paille à cette pierre fondamentale, en sorte que la première place dans ton cœur soit donnée à la paille, la seconde au Christ ; et s’il vous est encore impossible d’en bannir cette paille totalement, que la première place soit pour le Christ, et la seconde seulement pour la paille.
10. Le Christ est donc pour nous la pierre fondamentale. Et comme je le disais, la dédicace de notre faîte a eu lieu, et ce faîte est aussi notre pierre fondamentale ; mais ordinairement cette pierre est en bas, dans un édifice, tandis que le faîte est en haut. Comprenez bien mon langage, mes frères, peut-être Dieu m’aidera-t-il à parler clairement. Il y a deux sortes de poids, on appelle poids cette rapidité avec laquelle tout objet tend à regagner sa place : tel est le poids. Vous prenez à la main une pierre, aussitôt vous en sentez le poids qui pèse sur cette main, parce qu’elle cherche son centre. Voulez-vous voir ce qu’elle cherche ? Retirez votre main, elle tombe à terre et y repose : elle est parvenue à la place qu’elle cherchait, elle a trouvé son centre. Ce poids est comme un mouvement spontané, sans âme ni sentiment. Il y a d’autres objets qui ont une tendance à s’élever. Jetez de l’eau sur de l’huile, son poids l’entraîne aussitôt en bas. Elle cherche sa place, elle veut être à son rang, et il est contraire à la nature de l’eau d’être sur l’huile. Donc jusqu’à ce qu’elle soit à sa place naturelle, et qu’elle trouve son centre, elle éprouve un mouvement continuel. Mais au contraire, jetez de l’huile sur de l’eau : qu’un vase d’huile, par exemple, tombe dans l’eau, dans la mer, ou dans un lac, et s’y brise, l’huile ne peut se tenir en dessous : et de même que l’eau jetée sur l’huile tend à descendre au fond du vase, l’huile, au contraire, jetée sur l’eau, tend par son poids à s’élever à la surface. Si donc, mes frères, il en est ainsi, quelle est la tendance réciproque du feu et de l’eau ? Le feu s’élève et cherche sa place en haut l’eau cherche aussi sa place que lui assignera son poids. Une pierre descend en bas, il en est de même des bois, des colonnes, de la terre, qui servent à construire des habitations. Tout cela est du nombre des objets que leur poids fait descendre. Il est donc visible par là qu’ils ont en bas le fondement qui les soutient, puisqu’ils y sont entraînés par leur poids naturel ; et que sans cette base de sustentation, tout croulerait, puisque tout a sa tendance vers la terre. C’est donc en bas qu’il faut poser un

  1. 1 Cor. 3,11
  2. Id. 13
  3. Id. 14,15