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la beauté du Seigneur et d’être protégé comme son temple. D’où me vient cependant la confiance d’y arriver un jour ? « C’est qu’il m’a recueilli dans son pavillon au jour de mes malheurs ». Il n’y aura plus alors de jours mauvais pour moi, mais c’est dans les jours difficiles de cette vie que le Seigneur a jeté sur moi les yeux. Si donc il me regarde avec une telle bonté quand je suis si éloigné de lui, que sera-ce quand je jouirai de lui ? Je n’agissais donc point avec témérité, quand je lui faisais cette prière unique, et mon cœur ne me disait point : quelle demande, et à qui la fais-tu ? Oses-tu bien t’adresser à Dieu, misérable pécheur ? Oses-tu bien espérer de contempler le Seigneur, faible créature au cœur souillé ? Oui, j’ose bien l’espérer, non pas de moi, mais de son ineffable bonté ; cet espoir n’est point une présomption chez moi, mais un gage de sa tendresse. Celui qui me témoigne tant de bonté dans le cours de mon pèlerinage, m’abandonnera-t-il au terme, « lui qui m’a recueilli dans son pavillon, en des jours mauvais ? » Nos jours mauvais sont les jours de cette vie. Autres sont les jours mauvais pour les impies, et autres pour les fidèles. S’il n’y avait pas de jours mauvais pour ceux qui ont la foi, mais qui sont encore éloignés du Seigneur, car, selon l’Apôtre, « nous sommes loin du Seigneur, tant que nous habitons un corps »[1] ; que signifierait cette parole de l’Oraison dominicale : « Délivrez-nous du mal ? »[2] si nous ne sommes pas au jour des malheurs. Mais les jours mauvais sont bien différents pour ceux qui n’ont pas la foi : Dieu néanmoins ne les méprise pas, puisque Jésus-Christ est mort pour eux[3]. Que notre âme donc s’enhardisse, et demande au Seigneur ce bien qui est unique ; elle l’obtiendra et le possédera en toute sûreté. Si elle est tant aimée dans sa laideur, que sera-ce quand elle sera purifiée ! « Il m’a recueilli dans son pavillon, au jour de mes malheurs, il m’a protégé dans le secret de son sanctuaire »[4]. Quel est le secret de son sanctuaire ? Qu’entendre par là ? Le tabernacle avait, ce semble, plusieurs parties à l’extérieur ; mais il y avait, à l’intérieur du temple, un lieu mystérieux appelé sanctuaire secret. Qu’était ce sanctuaire ? Le grand prêtre seul y pénétrait[5]. Et peut-être est-ce le Pontife qui est lui-même ce tabernacle secret du Seigneur. Car il s’est formé un corps du tabernacle de notre chair, et il est devenu pour nous un asile mystérieux ; et de la sorte, les membres qui croient en lui, fouineraient le tabernacle, et lui-même en serait le lieu secret. « Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ »[6], a dit l’Apôtre.
11. Veux-tu comprendre que tel est le sens de l’Apôtre ? La pierre, c’est le Christ[7]. Écoute ce qui suit : « Il m’a recueilli dans son tabernacle au jour de mes malheurs, il m’a caché à l’ombre de son sanctuaire ». Tu voulais connaître le secret de ce sanctuaire ; écoute la suite : « Il m’a élevé sur la pierre mu. Donc il m’a élevé sur le Christ. Tu t’es humilié dans la cendre, et Dieu t’a élevé sur la pierre. Mais le Christ est au ciel, et toi sur la terre. Écoute la suite : « Dès maintenant, il a élevé ma tête au-dessus de la tête de mes ennemis ». Dès maintenant, avant que je fusse arrivé à ce palais que je veux habiter tous les jours de ma vie, avant que je fusse arrivé à contempler le Seigneur, « dès aujourd’hui, il a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis ». Je suis persécuté, il est vrai, par les ennemis du corps de Jésus-Christ ; il est vrai que je ne suis point complètement au-dessus de mes ennemis : toutefois « le Seigneur a élevé ana tête au-dessus de tous mes adversaires ». Déjà notre chef, qui est le Christ, est au ciel ; et pourtant nos ennemis peuvent encore sévir contre nous, puisque nous ne sommes pas élevés au-dessus d’eux ; mais notre chef est dans le ciel d’où il a dit : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? »[8] Il montrait ainsi qu’il est en nous ici-bas ; donc, nous sommes en lui au ciel, puisque, « dès aujourd’hui, il a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis ». Tel est le gage que nous avons de notre union éternelle par la foi, l’espérance et la charité, avec notre chef qui est dans le ciel ; c’est que lui-même demeure avec nous sur la terre, jusqu’à la consommation des siècles[9], par sa divinité, sa bonté, son unité.
12. « J’ai jeté les yeux de toutes parts, et j’ai offert dans son tabernacle un sacrifice de louanges »[10]. Nous offrons une hostie de jubilation, une hostie de joie, une hostie de félicitation, une hostie d’actions de grâces,

  1. 2 Cor. 5,6
  2. Mt. 6,13
  3. Rom. 5,6
  4. Ps. 26,5
  5. Héb. 11,3
  6. Col. 3,3
  7. 1 Cor. 10,4
  8. Act. 9,4
  9. Mt. 28,20
  10. Ps. 26,6