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est ma lumière et mon salut, que pourrai-je craindre ? »[1] C’est lui qui m’éclaire ; arrière les ténèbres ! c’est lui qui est mon salut, arrière l’infirmité ! En marchant dans la force et dans la lumière, qu’ai-je à craindre ? Ce salut qui vient de Dieu n’est point un salut qu’on puisse m’arracher ; ni sa lumière un flambeau que l’on puisse éteindre. C’est donc Dieu qui nous éclaire, et nous qui sommes éclairés, c’est Dieu qui nous sauve, et nous qui sommes sauvés. Si donc c’est Dieu qui est lumière, nous qui sommes éclairés, lui qui est sauveur, nous qui sommes sauvés, sans lui nous ne serions que ténèbres et que faiblesse. Ayant donc en lui une espérance ferme, fondée, inébranlable, qui pouvons-nous craindre ? Le Seigneur est donc ta lumière, le Seigneur est ton sauveur. Crains encore, si tu trouves une puissance plus grande. J’appartiens donc au Dieu plus puissant que tous, car il est le Tout-Puissant ; c’est lui qui m’éclaire, lui qui me sauve ; je le crains, et n’ai pas d’autre crainte. « C’est le Seigneur qui protège ma vie, qui pourrait me faire peur ? »
4. « Des pervers s’approchaient pour dévorer ma chair, mes ennemis, mes persécuteurs ont chancelé, et sont tombés »[2]. Qu’ai-je donc à redouter ? Qui serait à craindre pour moi ? Qui me ferait peur, et pourquoi trembler ? Voilà que mon persécuteur chancelle et tombe. Et pourquoi me persécuter ? « Pour dévorer ma chair ». Qu’est-ce que ma chair ? Mes affections charnelles. Qu’ils sévissent donc avec fureur en me persécutant, rien de moi ne peut mourir, que ce qui est mortel. Il y a chez moi quelque chose que la persécution ne saurait atteindre, c’est le sanctuaire qu’habite mon Dieu. Que mes ennemis mangent ma chair ; une fois ma chair consumée, je serai tout esprit, l’homme spirituel. Et même le Seigneur m’a promis un salut si complet, que cette chair mortelle, qui semble être pour un temps la proie de mes persécuteurs, ne périra pas éternellement, et que les membres doivent espérer pour eux-mêmes cette résurrection qu’ils ont admirée dans leur chef. Que peut craindre mon âme, quand le Seigneur y habite ? Que pourra craindre ma chair, quand ce corps corruptible sera revêtu d’incorruptibilité ? Voulez-vous voir comment ces persécuteurs, qui dévorent notre chair, ne sont cependant point à craindre pour elle ? « Il est semé un corps animal, il ressuscitera un corps spirituel ». Quelle ne doit donc pas être la confiance de celui qui comprend : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, que puis-je craindre ? Il protège ma vie, qui me ferait peur ? » Un prince est environné de ses gardes et ne craint rien ; un mortel gardé par d’autres mortels est plein d’assurance, et quand ce mortel sera gardé par le Dieu immortel, il craindra et tremblera ?
5. Écoutez maintenant quelle doit être la confiance de celui qui parle ainsi : « Que des armées campent autour de moi, mon cœur n’en sera point ému »[3]. Un camp est fortifié, mais qu’y a-t-il de plus fort que Dieu ? « Qu’on me livre un assaut ». Que me ferait un assaut ? Peut-il m’enlever mon espérance ? Peut-il m’arracher le don du Tout-Puissant ? Celui qui donne est invincible, et le don qu’il fait ne peut être ravi. Ravir le don, ce serait vaincre le donateur. Donc, mes frères, ces biens temporels eux-mêmes, nul ne peut nous les-ravir que celui qui nous les a donnés. Pour les biens spirituels qu’il nous accorde, il ne les reprend que si tu les perds ; mais les biens temporels, les biens de la santé, c’est Dieu qui nous les enlève, puisque nul autre ne le peut s’il n’en a reçu de lui le pouvoir. Nous savons, pour l’avoir lu dans Job, que le diable même[4], qui paraît avoir reçu pour cette vie le plus grand pouvoir, ne peut rien sans la permission de Dieu. Il a reçu quelque puissance sur les biens abjects, lui qui a perdu les plus grands et les plus relevés. Son pouvoir n’est pas même l’effet de sa colère, mais la peine de sa condamnation. Lui non plus n’a donc de pouvoir star nous que par la permission de Dieu. C’est ce que nous voyons dans le livre cité, et le Seigneur, dit dans l’Évangile : « Cette nuit, le démon a demandé de vous passer au crible comme le froment, mais j’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille point »[5]. Dieu lui accorde ce pouvoir, afin de nous punir ou de nous éprouver. Donc, si nul ne peut nous ravir le don de Dieu, ne craignons que Dieu seul. Quels que soient les frémissements contre nous, quelle que soit l’insolence de tout autre ennemi, rassurons notre cœur.
6. « Qu’on me livre un assaut, c’est en elle que je veux espérer ». Qui, elle ? « J’en ai

  1. Ps. 26,2
  2. Ps. 26,4
  3. Ps. 25,3
  4. Job. 1
  5. Lc. 22,31