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DISCOURS SUR LE PSAUME 26===

ESPOIR EN DIEU

Saint Augustin paraphrase le psaume en forme d’homélie, il s’empare des expressions et des sentiments du Prophète pour encourager les chrétiens en butte ici-bas à la persécution et attirer en eux le désir du vrai bonheur.


1. Le Seigneur notre Dieu, voulant nous adresser des paroles consolantes, en nous voyant réduits par son juste arrêt à manger notre pain à la sueur de notre front[1], daigne emprunter notre langage pour nous parler, afin de nous montrer, non seulement qu’il nous a créés, mais encore qu’il habite avec nous. Nous avons entendu et en partie chanté les paroles du psaume. Si nous disons que ces paroles sont les nôtres, craignons de n’être pas dans le vrai, puisqu’elles appartiennent plus à l’Esprit-Saint qu’à nous. Pourtant il y aurait une évidente fausseté à dire que ce sont là nos paroles, puisqu’elles ne sont que les gémissements d’âmes dans la peine ou bien ces cris pleins de douleur et de larmes, qui retentissent d’un bout à l’autre du psaume, seraient-ils de Celui qui ne peut être dans la détresse ? Dieu est miséricordieux, mes frères, et nous misérables. Celui qui est assez compatissant pour daigner adresser la parole à des malheureux, a daigné prendre aussi le langage du malheur, Il est donc vrai de dire, que ces paroles sont les nôtres et qu’elles ne nous appartiennent point ; que c’est la voix de l’Esprit-Saint, et que néanmoins elle n’est pas la sienne. C’est la parole de l’Esprit-Saint, puisqu’elle n’est dans notre bouche que par son inspiration ; mais elle n’est point sa parole, en ce sens qu’il ne ressent ni la misère ni la fatigue, et ces paroles sont les cris de la douleur et du travail. Elles sont nos paroles, puisqu’elles témoignent de notre misère ; mais elles ne viennent point de nous, puisque c’est à sa grâce que nous devons de pouvoir gémir.
2. « Psaume de David, avant qu’il ait reçu l’onction »[2]. Tel est le titre du psaume : « Psaume de David, avant qu’il ait reçu l’onction ». C’est-à-dire, avant qu’il fût oint, car il reçut l’onction royale[3]. Il n’y avait alors d’onction que pour le roi et pour le prêtre et ces deux hommes qui recevaient l’huile sainte, étaient la figure du Christ seul roi et seul prêtre, et appelé Christ, de l’onction qu’il a reçue. Et non seulement notre chef a reçu l’onction, mais nous aussi qui sommes sont corps. Il est donc notre roi, parce qu’il nous dirige et nous gouverne ; il est prêtre, parce qu’il intercède pour nous[4]. Il est encore le seul prêtre qui soit en même temps victime. Car la victime du sacrifice, qu’il offrit à Dieu, n’est autre que lui-même : et il n’eût pu trouver en dehors de lui une victime raisonnable, très pure, capable de nous racheter par l’effusion de son sang, comme l’agneau sans tache, et de nous incorporer à lui comme ses membres, et de nous faire avec lui un seul et même Christ. C’est pourquoi tous les chrétiens participent à l’onction, qui, dans l’Ancien Testament, était l’apanage exclusif de deux personnes. D’où il suit que nous sommes le corps du Christ, puisque nous avons tous reçu l’onction ; et que nous sommes tous en lui des christs et un seul Christ, car la tète et les membres composent le Christ dans son intégrité. Cette onction doit perfectionner en nous la vie spirituelle qui nous est promise. Ce psaume est donc la prière d’une âme soupirant après cette vie spirituelle, et demandant avec instance la grâce qui sera parfaite en nous, à notre dernier jour. Aussi a-t-il pour titre : Avant l’onction. Car nous recevons, ici-bas, l’onction dans le sacrement, et le sacrement est la figure de ce que nous devons être un jour. Et cet avenir inconnu et ineffable, voilà ce que nous devons désirer, ce qui doit nous faire gémir quand nous recevons le sacrement, afin qu’un jour nous jouissions de cette réalité dont le sacrement est un symbole.
3. Voici donc le psaume : « Le Seigneur

  1. Gen. 3,9
  2. Ps. 26,1
  3. 1 Sa. 16,13
  4. Rom. 8,31