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Voyez combien il a souffert ; et avant le récit de sa passion, afin de l’écouter avec des gémissements plus sincères, voyez d’abord les douleurs qu’il endure et ensuite voyez pourquoi. Quel est le fruit de sa passion ? Voilà que nos pères ont espéré et ont été délivrés de l’Égypte. Et, comme je l’ai dit, tant d’autres l’ont invoqué, et sans aucun retard ont été délivrés dès cette vie, sans attendre la vie éternelle. Job lui-même, livré à Satan qui l’avait demandé, en proie aux ulcères et aux vers[1], recouvra néanmoins la santé dès cette vie, et des richesses doubles de celles qu’il avait perdues[2]. Pour le Sauveur, il est flagellé, et nul secours ; il est couvert de crachats, et nul secours ; il est souffleté, et nul, secours ; il est élevé en croix, et nulle délivrance ; il s’écrie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné[3] ? » et nul secours. Pourquoi donc, mes frères ? Pourquoi tout cela ? Quelle est la récompense de tant de douleurs ? Tout ce qu’il endure est une rançon. Que peut-il acheter au prix de tant de douleurs ? Récitons le psaume et voyons ce qu’il contient. Cherchons d’abord ce qu’il a souffert, et ensuite pourquoi : et comprenons combien sont ennemis du Christ ceux qui confessent les douleurs qu’il a endurées et qui lui en dérobent le prix. Écoutons donc tout cela dans le psaume, et voyons ce qu’il a souffert et pour quel motif. Retenez ces deux points : qu’a-t-il souffert et pourquoi ? J’explique maintenant ce qu’il a souffert, sans trop m’y arrêter : les paroles du psaume vous l’expliqueront mieux que moi. Voyez, chrétiens, ce qu’endure le Seigneur ; il est « l’opprobre des hommes et le rebut de la populace ».
9. « Tous ceux qui me voyaient me persiflaient, ils parlaient des lèvres et branlaient la tête. Il a espéré en Dieu, que Dieu le délivre, que Dieu le sauve puisqu’il se plaît en lui n. Mais pourquoi les Juifs parlaient-ils ainsi ? C’est parce que le Christ s’était fait homme, et qu’ils le traitaient en homme.
10. « Parce que c’est vous qui m’avez tiré du sein maternel[4] ». Parleraient-ils ainsi contre ce Verbe qui était au commencement, ce Verbe qui était en Dieu ? Mais ce Verbe, par qui tout a été fait, n’a été tiré des entrailles maternelles que parce que le Verbe a été fait chair et a habité parmi nous. « Parce que vous m’avez tiré du sein de ma mère, vous êtes mon Dieu dès que j’ai sucé la mamelle[5] ». Avant tous les siècles vous êtes mon Père, mais vous êtes mon Dieu depuis que j’ai sucé la mamelle.
11. « Du sein de ma mère, j’ai été reçu dans vos bras », afin que vous fussiez mon unique espérance ; c’est l’homme, et l’homme dans sa faiblesse, le Verbe fait chair, qui parle ainsi. « Dès le sein de ma mère, vous êtes mon Dieu[6] ». Non point mon Dieu par vous-même ; par vous-même vous êtes mon Père ; et mon Dieu seulement depuis que j’ai passé par le sein de ma mère.
12. « Ne vous éloignez pas de moi ; car la tribulation est proche, et il n’y a personne pour me secourir[7] ». Voyez comme il est abandonné, et malheur à nous, s’il nous abandonnait. « Il n’y a personne pour nous secourir ».
13. « De jeunes taureaux sans nombre, des taureaux puissants m’ont environné[8] ». Voilà le peuple et le prince, le peuple ou les jeunes taureaux sans nombre, les princes ou les taureaux puissants.
14. « Ils fondent surmoi, la gueule entr’ouverte, comme le lion qui déchire et qui rugit[9] ». Écoutez ces rugissements dans l’ Évangile : « Crucifiez-le, crucifiez-le[10] ».
15. « Je me suis répandu comme l’eau, et mes ossements ont été dispersés[11] ». Il appelle ossements, les disciples les plus fermes, car les os sont la solidité des corps. Quand ces ossements furent-ils dispersés ? Quand il leur dit : « Voilà que je vous envoie, comme des brebis au milieu des loups[12] ». Il dispersa donc ses disciples les plus solides, et il se répandit comme l’eau. L’eau répandue lave ou arrose ; le Christ s’est répandu comme l’eau, pour laver nos souillures et arroser nos âmes. « Mon cœur s’est fondu comme une cire au milieu de mes entrailles ». C’est son Église qu’il appelle ses entrailles. Comment son cœur est-il devenu comme une cire ? Son cœur, c’est l’Écriture, ou plutôt la Sagesse renfermée dans les saintes Écritures. L’Écriture était un livre fermé, que nul ne comprenait ; le Seigneur a été cloué à la croix, et alors elle est devenue claire comme la cire liquéfiée, et les plus faibles

  1. Job. 1,11
  2. Id. 42,11
  3. Mt. 28
  4. Ps. 21,8-9
  5. Ps. 21,10
  6. Id. 11
  7. Id. 12
  8. Id. 13
  9. Id. 14
  10. Jn. 19,6
  11. Ps. 21,15
  12. Mt. 11,6