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a péri[1] ». Il est mieux d’appliquer ces paroles à Jésus-Christ que d’en faire son langage. Quel autre a châtié les nations pour en faire disparaître l’impie, comme il le fit, après son ascension ? Car alors il envoya l’Esprit-Saint, dont furent remplis les Apôtres qui prêchèrent avec confiance la parole de Dieu et accusèrent avec liberté les péchés des hommes. Leurs réprimandes firent disparaître l’impie, qui fut justifié et devint pieux. « Vous avez effacé son nom pour le siècle, et « dans les siècles des siècles[2] », Le nom de l’impie a disparu, car on ne peut appeler impie celui qui croit au vrai Dieu ; son nom est donc effacé pour le siècle, c’est-à-dire, pendant que s’écouleront les jours du siècle. « Et dans les siècles des siècles ». Qu’est-ce que le siècle du siècle, sinon la durée dont le siècle n’est que l’image et comme l’ombre ? Car cette révolution des temps qui se succèdent, alors que la lune croît et décroît, que le soleil revient chaque année dans sa gloire, que le printemps, que l’été, que l’automne et que l’hiver ne s’en vont que pour revenir encore, tout cela nous donne une certaine image de l’éternité. Mais la durée qui subsiste dans une immuable continuité, s’appelle siècle de ces siècles qui s’écoulent ; elle est pour eux, comme le vers que vous avez dans l’esprit à l’égard de celui que vous prononcez de la voix. Le premier se comprend, le second s’entend, a sa mesure dans le premier, qui est l’œuvre de l’art et qui demeure, tandis que le second passe dans l’air avec le son de la voix. C’est ainsi que le siècle qui passe trouve son modèle dans le siècle immuable, que l’on appelle siècle des siècles. Celui-ci demeure chez le divin ouvrier, il est en permanence dans la sagesse et dans la puissance de Dieu : tandis que celui-là en mesure l’action dans chaque créature. Peut-être encore n’est-ce qu’une répétition, et qu’après avoir dit : « Dans le siècle », pour qu’on ne l’entendît point du siècle qui s’écoule, le Prophète aura ajouté : « Et dans le siècle du siècle ». Car il y a dans la version grecque : eis ton aiona, kai eis ton aiona tou aionos. Ce que plusieurs versions latines ont exprimé, non point en disant : « Dans le siècle, et dans le siècle du siècle » ; mais bien : « Dans l’éternité et dans le siècle des siècles ». Le nom de l’impie est donc détruit pour l’éternité, c’est-à-dire, que jamais à l’avenir il n’y aura plus d’impies ; et si leur nom ne peut subsister dans ce siècle, il ne tiendra point dans le siècle des siècles.
8. « Les framées de l’ennemi ont fait défaut jusqu’à la fin[3]. ». Ici, l’ennemi est au singulier, et non au pluriel. Or, cet ennemi, dont les armes ont fait défaut, quel est-il, sinon le démon, dont les armes sont les mille formes de l’erreur, qu’il emploie comme des glaives pour tuer les âmes ? Mais à l’encontre de ces glaives, et pour les anéantir, il y a le glaive du Seigneur, dont il est dit au psaume septième : « il brandira son glaive, si vous ne retournez à lui ». C’est lui peut-être qui est le terme où doit échouer la force des glaives ennemis, qui doivent prévaloir jusqu’à lui. Aujourd’hui, il travaille en secret, mais au dernier jugement, il resplendira de tout son éclat. C’est lui encore qui détruit les cités ; car, après avoir dit que la puissance doit être en défaut, le Prophète ajoute : « Et vous avez détruit leurs cités ». Une âme devient la ville de Satan, quand les conseils artificieux et mensongers lui établissent en quelque sorte une cour, qui se fait obéir par ses membres chacun dans son usage, comme par autant de satellites et de ministres ; les yeux servent la curiosité, les oreilles ses instincts licencieux, et elles recueillent tout propos qui porte à la débauche, les mains exercent la rapine et toute violence criminelle, et les autres membres soumis à une semblable tyrannie, travaillent dans ces desseins pervers. La populace de cette ville consisterait dans ces appétits sensuels et ces mouvements tumultueux de l’âme, qui soulèvent journellement dans l’homme des conflits séditieux. Il y a donc une cité partout où vous trouverez un roi, une cour, des ministres et un peuple. Et dans les villes déréglées nous ne verrions point tant de maux, s’ils n’existaient d’abord dans chacun des citoyens, qui sont pour les cités des germes et des éléments. Ces cités donc, Jésus-Christ les détruit quand il en chasse le prince, ainsi qu’il est dit : « Le prince de ce siècle a été chassé dehors[4] » : la parole de la vérité porte le ravage dans ces royaumes, y étouffe les pernicieux desseins, y réprime les affections honteuses, y réduit en servitude l’action des membres et des sens, qui doivent servir à l’œuvre de la justice et du bien ; et ainsi s’accomplit cette parole de l’Apôtre : «

  1. Ps. 9,6
  2. Id.
  3. Ps. 9,7
  4. Jn. 12,31