Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prophétie et voit cette joie dans l’avenir. Il dit encore : « Excitez votre puissance et venez[1] », parce qu’il prévoit que le Seigneur viendra. Dans ces paroles néanmoins : « Que leurs desseins soient renversés », on pourrait voir une prière du Prophète ; et il demanderait que les desseins des méchants s’évanouissent, ou qu’ils fassent trêve à leurs desseins mauvais. Mais l’expression suivante : « Rejetez-les », nous empêche de l’entendre ainsi ; puisque cette expulsion de la part du Seigneur ne peut nullement se prendre en bonne part. Ce n’est donc point une malédiction, mais une prophétie qui annonce dans quelle catastrophe tomberont infailliblement ceux qui voudront persévérer dans les péchés dont il est question. « Qu’ils soient donc déçus dans leurs pensées », qu’ils tombent à cause de leurs desseins qui s’accusent mutuellement, et devant le témoignage de leur conscience, comme l’a dit l’Apôtre : « Leurs pensées les accuseront ou les défendront, quand se lèvera le jour du juste jugement de Dieu[2] ».

14. « Chassez-les selon le nombre infini de leurs iniquités[3] », c’est-à-dire, chassez-les au loin, « le nombre infini de leurs iniquités » demande un long éloignement. C’est ainsi que l’impie est banni de cet héritage, dont la vue et la connaissance de Dieu nous met en possession ; comme l’œil malade est repoussé par l’éclat de la lumière, et trouve une peine dans ce qui fait la joie de l’œil sain. Ceux-là donc au matin ne se tiendront pas debout et ne verront pas. Et cette répulsion est une peine dont la grandeur se mesure à la grandeur de cette joie, dont il est dit : « Pour moi, mon bonheur est de m’attacher à Dieu[4] ». À ce châtiment est opposé ce mot de l’Évangile : « Entrez dans la joie de votre Dieu » et ce châtiment équivaut à cet autre : « Jetez-le dans les ténèbres extérieures[5] ».

15. « Mais vous, Seigneur, ils vous trouvent amer[6] ». « Je suis le pain de vie descendu du ciel[7] », a dit le Seigneur ; puis : « Travaillez pour une nourriture qui ne se corrompt point[8] » ; puis encore : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux[9] ». Les pécheurs trouvent amer le pain de la vérité, de là leur haine pour la bouche d’où elle émane. Ils ont donc trouvé le Seigneur amer, parce que le péché les a rendus malades au point que le pain de la vérité, délicieux pour les âmes saines, a pour eux une amertume insupportable.

16. « Qu’ils soient dans la joie, ceux qui espèrent en vous », qui savent goûter, et qui trouvent que le Seigneur est doux. « Leur allégresse sera éternelle et vous habiterez en eux[10] ». Cette allégresse éternelle commencera donc quand les justes deviendront le temple de Dieu : il sera leur joie, il habitera en eux. « Et tous ceux qui aiment votre nom se glorifieront en vous[11] », parce qu’ils pourront jouir de l’objet de leur amour. Et c’est bien en vous qu’ils posséderont cet héritage qui fait le titre du Psaume, et à leur tour ils seront votre héritage, puisque « vous habiterez en eux ». De ce bonheur seront exclus ceux que Dieu doit rejeter à cause de leurs iniquités.

17. « C’est vous qui bénirez le juste[12] ». Cette bénédiction sera de se glorifier dans le Seigneur qui habitera en nous. Telle est la gloire que Dieu décerne aux justes ; et pour devenir justes, ils ont dû être appelés, non point à cause de leurs mérites, mais par la grâce de Dieu. « Tous en effet sont pécheurs et ont besoin de la grâce de Dieu[13]. Ceux qu’il a appelés, il les a justifiés, et ceux qu’il a justifiés, il les a glorifiés[14] ». Comme cette vocation ne vient point de nos mérites, mais de la miséricordieuse bonté de Dieu, le Prophète a dit : « Seigneur, votre volonté bienveillante nous couvre comme d’un bouclier[15] ». Car la bienveillance du Seigneur précède notre volonté. Telles sont les armes pour vaincre notre ennemi. C’est contre lui que l’Apôtre a dit : « Qui accusera les élus de Dieu ? » et encore : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il n’a point épargné son Fils unique, mais il l’a livré à la mort pour nous tous[16] ». « Si le Christ a voulu mourir pour nous quand nous étions ses ennemis maintenant que nous sommes réconciliés, nous serons à plus forte raison délivrés par lui de la colère de Dieu[17] ». Tel est l’inexpugnable bouclier qui repousse l’ennemi quand, par l’affliction et la tentation, il nous pousse à désespérer du salut.

18. Le texte du Psaume est donc tout d’abord une prière, depuis ces paroles : « Seigneur,

  1. Psa. 79,3
  2. Rom. 2,15-16
  3. Psa. 5,11
  4. Ps. 72,28
  5. Mat. 25,21-30
  6. Psa. 5,11
  7. Jn. 6,51
  8. Id. 27
  9. Psa. 23,9
  10. Psa. 5,12
  11. Id. 9
  12. Id. 13
  13. Rom. 8,31-33
  14. Id. 8,30
  15. Psa. 5,13
  16. Rom. 8,31-33
  17. Rom. 5,9-10