est rempli d’eau[1] ». On peut encore entendre par les eaux, l’Esprit-Saint, dont il est dit : « C’est lui qui vous baptisera dans l’Esprit-Saint[2] » ; et cette autre : « Qu’il vienne, celui qui a soif, et qu’il boive[3] » ; et encore « Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te demande à boire, tu lui en aurais demandé toi-même, et il t’aurait donné cette eau vive qui étanche pour jamais la soif de celui qui en a bu ; et qui devient en lui une source d’eau jaillissante jusqu’à la vie éternelle[4] ». Ou bien, « près du courant des eaux » signifiera près des péchés des peuples ; dans l’Apocalypse, en effet, les eaux désignent les peuples[5], et le courant se dirait de la chute qui est le propre du péché. Cet arbre donc, c’est Notre-Seigneur, qui prend les eaux courantes, ou les peuples pécheurs, et se les assimile par les racines de son enseignement ; » il « donnera du fruit », c’est-à-dire établira des églises, « en son temps », quand il aura été glorifié en ressuscitant et en montant au ciel. Ayant alors envoyé l’Esprit-Saint aux Apôtres, qu’il confirma dans la confiance en lui-même, et dispersa parmi les peuples, il recueillit pour fruits les églises. « Et son feuillage ne tombera point », car sa parole ne sera point inutile : « Toute chair, en effet ; n’est qu’une herbe, toute beauté de l’homme est comme la fleur des champs ; l’herbe s’est fanée, la fleur est tombée, mais la parole de Dieu demeure éternellement[6] ». « Et tout ce qu’il établira, sera dans la prospérité », c’est-à-dire tout ce que portera cet arbre ; car cette généralité embrasse les fruits et les feuilles, ou les actes et les paroles.
4. « Il n’en est pas ainsi de l’impie, vaine poussière que le vent soulève de la surface de la terre[7] ». Terre se dit ici de la permanence qui est le propre de Dieu, et dont il est écrit : « Le Seigneur est la part de mon héritage, et cet héritage m’est glorieux[8] ». Et ailleurs : « Attends le Seigneur, garde ses voies, et il t’élèvera jusqu’à te mettre en possession de la terre[9] » ; et encore : « Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre[10] ». Voici, en effet, le point de comparaison : c’est que la terre invisible sera pour l’homme intérieur ce qu’est pour l’homme extérieur cette terre visible qui lui donne l’aliment et l’espace. C’est de la surface de cette terre invisible que le vent ou l’orgueil qui enfle[11], chassera l’impie. Mais celui qui s’enivre de l’abondance qui règne en la maison de Dieu, qui s’abreuve au torrent de ses voluptés, se prémunit contre l’orgueil et dit : « Loin de moi le pied de l’orgueilleux[12] ». De cette terre encore l’orgueil a banni celui qui disait : « Je placerai mon trône vers l’Aquilon, je serai semblable au Très-Haut[13] ». Enfin, de cette terre l’orgueil a expulsé celui qui osa goûter du fruit défendu, afin de devenir semblable à Dieu, et voulut se dérober à la présence du Seigneur[14]. Voici des paroles de l’Écriture qui nous font bien comprendre que cette terre est l’apanage de l’homme intérieur, et que l’orgueil en a expulsé l’homme du péché : « De quoi t’enorgueillir, cendre et poussière ? pendant ta vie, tu as rejeté loin de toi ton intérieur[15] » ; d’où l’on peut dire avec raison que s’il est rejeté, c’est par lui-même.
5. « Aussi, l’impie ne doit-il point ressusciter pour le jugement[16] », puisqu’il est balayé de la terre comme une vaine poussière. C’est avec justice que le Psalmiste dit ici que l’orgueilleux sera frustré de ce qu’il ambitionne, ou du pouvoir de juger : aussi nous fait-il mieux comprendre cette parole dans la phrase suivante : « Ni le pécheur dans l’assemblée des justes ». Il est d’ordinaire, dans l’Écriture, que la seconde partie du verset explique la première, en sorte que « par l’impie » on doit entendre le pécheur, et par « le jugement », l’assemblée des justes. Ou du moins, s’il y a entre l’impie et le pécheur cette différence que tout impie soit pécheur, quoique tout pécheur ne soit pas toujours impie, « l’impie ne ressuscitera point pour le jugement », c’est-à-dire qu’il ressuscitera, sans aucun doute, mais non pour être jugé, car il est déjà condamné à des peines indubitables. « Mais le pécheur ne se relèvera point dans l’assemblée des justes », ou pour juger, mais bien pour être jugé, comme il est dit de lui : « Le feu doit éprouver l’œuvre de chacun : celui dont l’ouvrage pourra résister, en recevra la récompense ; celui dont l’ouvrage sera consumé en subira la peine ; lui cependant sera « sauvé, mais comme par le feu[17] ».