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but est de frapper d’une crainte salutaire et de porter à se convertir les coupables dont il remet la cause. Il n’aime pas de condamner, il cherche à sauver. Voilà pourquoi il est patient envers les méchants, il veut les rendre bons. Cependant l’Apôtre dit : « La colère de Dieu éclatera contre toute impiété [1]; » et « Dieu rendra à chacun selon ses œuvres. » De plus il adresse à l’indifférent cet avertissement et ce reproche : « Méprises-tu les richesses de sa bonté et de sa patience ? » Quoi ! parce qu’il est pour toi bon, tolérant et patient ; parce qu’il remet ta cause et ne te brise pas, tu le méprises et ne crois pas à son jugement ! « Ignores-tu que la patience de Dieu t’invite à la pénitence ? Cependant, par la dureté de ton cœur, tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres[2] . »
3. Ainsi tout ce que l’homme fait maintenant, il le jette dans un trésor sans savoir ce qu’il amasse. Les riches savent peut-être ce qu’ils jettent dans leur trésor terrestre, mais ils ignorent pour qui ils travaillent, car ils ne savent nullement ce que deviendront leurs richesses après leur mort : elles sont quelquefois le partage de leurs ennemis ; et tel qui se prive de nourriture pour s’enrichir, travaille pour les excès, les débauches et les dissolutions d’un autre. Il en est donc qui savent ce qu’ils amassent sans savoir pour qui. Ainsi les bons connaissent ce qu’ils envoient dans le céleste trésor, les méchants ignorent ce qu’ils se préparent. Le bon met dans ce trésor toutes les œuvres de miséricorde qu’il a faites envers les malheureux secourus par lui, et il compte sur la fidélité du gardien qui lui conserve tout ce qu’il amasse. Il ne voit pas tout mais il est tranquille sur le trésor même ; il sait que le, voleur n’en emporte rien, que l’ennemi ne l’attaque pas, qu’un adversaire injuste et puissant ne l’enlève point comme ce que l’on enlève au vaincu ; mais qu’il lui restera, toujours parce qu’il a pour gardien le Tout-puissant lui-même. Eh ! si l’on est sans souci après avoir confié son argent à un serviteur fidèle, comment les bons seraient-ils dans l’inquiétude en recommandant le trésor de leurs charités au Seigneur ? Ils savent donc que tout ce qu’ils y mettent est en sûreté : fidèles, ils ont foi à la puissance de leur Maître ; ils croient qu’il veille et qu’ils retrouveront tout ce qu’il garde. Est-ce que les hommes voient toujours le coffre où ils mettent leur argent ? Le mettent-ils même toujours dans un coffre ? L’enfouissent-ils ou le gardent-ils toujours ? Ils ne l’ont pas toujours sous les yeux : toutefois ils ont comme la conscience qu’il est encore au lieu où ils l’ont déposé. Peut-être le voleur l’a-t-il déjà emporté, lorsque celui qui l’a inutilement conservé se laisse encore aller à une vaine joie. Mais si nous plaçons quelque chose dans les célestes trésors, nous sommes sûrs que le Seigneur le garde fidèlement ; le voleur ne peut absolument rien nous prendre, nous ne subissons aucune perte. Les méchants aussi mettent dans un trésor toutes leurs œuvres mauvaises et Dieu les leur conserve. C’est ce que signifient ces paroles de l’Apôtre : « Tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère du juste jugement de Dieu. »
4. Puisqu’à l’insu des méchants Dieu conserve tout ce qu’ils font ; quand il viendra dans son éclat et non plus pour garder le silence, il convoquera près de lui toutes les nations, comme il l’annonce dans l’Évangile. Il fera alors la grande séparation, plaçant les uns à sa droite et les autres à sa gauche, puis il commencera à ouvrir les trésors afin que chacun reconnaisse ce que chacun y a mis. « Venez, bénis, de mon Père, dira-t-il à ceux de droite, recevez le royaume qui vous a été préparé depuis le commencement du monde. Recevez en partage le royaume des cieux, le royaume éternel, la compagnie des anges, l’éternelle vie, où personne ne naît et où ne meurt personne. Car en mettant vos œuvres dans votre trésor, vous achetiez le royaume même des cieux. Recevez le royaume des cieux qui vous a été préparé dès l’origine du monde. » Et voici comment il leur montre leurs trésors : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; voyageur, et vous m’avez recueilli ; en prison, et vous êtes venus à moi ; malade, et vous m’avez visité. – Seigneur, lui répondent-ils, quand est-ce que nous vous avons vu » éprouver ces besoins et que nous vous avons servi ? Et lui : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait. » Et parce que c’est à moi que vous l’avez fait chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, prenez ce que vous avez déposé, possédez ce que vous ave acheté. C’est pour cela que vous l’avez confié à votre Sauveur. Il se tournera ensuite vers ceux de la gauche et

  1. Rom. 1, 18
  2. Id. 2, 4-6