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Quel nom ont reçu ceux qui usent mal des dons de Dieu ? Poursuivez, le voici« Adultères. » Pourquoi adultères ? – « Ne savez-vous pas que l’ami de ce monde se déclare l’ennemi de Dieu [1][2] ? » Il est des âmes adultères, il en est de prostituées : examinons. Les âmes prostituées se sont abandonnées d’une certaine sorte à plusieurs faux dieux. Les adultères sont comme unies à un légitime époux, mais elles ne gardent point la chasteté qu’elles lui doivent. Pour parler plus explicitement, l’âme d’un païen est prostituée ; celle d’un mauvais chrétien, adultère. L’âme du païen est prostituée, elle n’a point de légitime mari, elle se corrompt en s’abandonnant à plusieurs démons. Comment l’âme du mauvais chrétien est-elle adultère ? Parce que, sans abandonner son époux, elle n’aime point la chasteté. Ne dis donc pas : Pourquoi les méchants sont-ils dans la maison de Dieu ? On te répond : Ce sont des vases d’ignominie ; Dieu sait en faire usage ; il ne se trompe pas en les créant ; s’il a pu les créer, il sait les mettre à leur place ; ils ont leur place dans sa grande – maison. Si de plus tu me demandes comblent Dieu en use bien, je l’avoue, je suis homme et je ne puis expliquer le dessein de Dieu. Je sais m’effrayer avec l’Apôtre Paul, car en considérant le même sujet il fut saisi d’effroi et s’écria dans son effroi : « O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables ! Car qui a connu la pensée du Seigneur, où qui a été son conseiller ? Ou qui le premier lui a donné et sera rétribué ? Puisque c’est de lui et par lui et en lui que sont toutes choses ; à lui la gloire dans les siècles des siècles (2). » À nous la contemplation, l’étonnement, l’effroi, le cri de surprise ; parce que nous ne pouvons pénétrer le mystère. Mais à Dieu ? « Gloire dans les siècles. » Soit du côté des vases d’honneur, soit du côté des vases d’ignominie, « Gloire à lui dans les siècles des siècles. » Il couronne les uns, condamné les autres, ne se trompe jamais ; il éprouve ceux-ci, les éprouve par ceux-là et met chacun à sa place.
4. Que font, dis-tu, les méchants dans ce monde ? Réponds-moi : Que fait la paille au fourneau de l’orfèvre ? La paille n’est as inutilement, je crois, dans ce fourneau où s’épure l’or. Voyons tout ce qu’il y a là. Il y a le fourneau, il y a la paille, il y a l’or, il y a le feu, il y a l’orfèvre. Mais l’or, la paille et le feu sont dans le fourneau, l’orfèvre en est près. Considère maintenant cet univers : le monde, c’est le fourneau ; les méchants sont la paille ; les bons sont l’or ; les tribulations sont le feu ; l’orfèvre c’est Dieu. Considère encore : L’or ne s’épure point si la paille ne brûle.N'est-il point parlé de l’or dans ce même psaume où nous aimons la beauté de la maison de Dieu et la demeure où habite sa gloire ? Le voilà ; écoute ce qu’il dit : « Épurez-moi, Seigneur, et tentez-moi : brûlez-moi les reins et le cœur. » —Épurez-moi, dit l’or, et tentez-moi. Quoi ? il devrait redouter la tentation, et il l’appelle ? Épurez-moi, Seigneur, et tentez-moi. Vois s’il ne cherche pas le feu ? Épurez-moi, et tentez-moi, brûlez-moi les reins et le cœur. Ne crains-tu pas d’être consumé par le feu ? Non, répond-il. Pourquoi ? « Parce que votre miséricorde est devant mes yeux [3]. » Et voilà pourquoi je dis en toute sûreté : « Épurez-moi, Seigneur, et tentez-moi, « brûlez-moi les reins et le cœur ; » non que je sois capable de soutenir par mes propres forces le feu de la tentation, mais « c’est que j’ai devant les yeux votre miséricorde. » Ah ! vous m’avez donné la grâce de l’épreuve, et vous ne me laisserez pas périr dans le fourneau. Vous m’y jetez pour m’épurer, vous m’en retirerez quand je serai épuré. «Que le Seigneur te garde à ton entrée et à ta sortie [4]. » Vois l’entrée dans la fournaise, vois la sortie. « Considérez comme sujet d’une joie complète, mes frères, lorsque vous tombez en diverses tentations[5]. » Voilà l’entrée dans la fournaise cherche comment on en sort. Il est facile d’y entrer ; l’important est d’en sortir. Mais ne crains rien : « Dieu est fidèle. » Tu étais entré et tu songeais à sortir. « Dieu est fidèle, il ne permet pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces ; mais il vous fera sortir de la tentation. Pourquoi en sortir ? Afin que vous puissiez persévérer[6]. » Tu es entré, tu es tombé ; tu as persévéré et tu es sorti.
5. Plus sont nombreux les méchants, plus sont nombreux les moyens de purifier les bons. Les bons sont mêlés et cachés dans la multitude des méchants, mais « Dieu connaît ceux qui sont à lui. » Sous la main d’un aussi puissant ouvrier, une parcelle d’or ne peut jamais se perdre au milieu des monceaux de paille. Combien de paille et combien peu d’or ! Toutefois ne crains rien :

  1. Jac. 4, 3-4
  2. Rom. 11, 33-36
  3. Ps. 25, 2,3
  4. Ps. 120, 8
  5. Jac. 1, 2
  6. 1 Cor. 10, 13