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SERMON XV. BEAUTÉ DE L’ÉGLISE DANS LE MÉLANGE DES BONS ET DES, MÉCHANTS[1].

ANALYSE. – La beauté de la maison de Dieu n’est rien autre chose que la splendeur des vertus qui brillent au sein des fidèles. Mais dans l’Église les méchants sont mêlés aux bons, les vases d’ignominie aux vases d’honneur : n’est-ce pas la laideur au lieu de la beauté ? – Non, car 1° il est certain que Dieu fait bon usage des méchants, comme les méchants font mauvais usage de ce qui est bon ; 2°

Dieu emploie les méchants à purifier les bons qui les supportent, comme l’orfèvre emploie la paille et le feu à épurer l’or dans le creuset. Si les méchants sont en grand nombre, c’est pour mieux purifier les bons qui doivent s’attacher à supporter surtout les mauvais chrétiens, sans croire toutefois qu’il n’y en ait pas ou qui il y en ait trop peu de bons. 3° Les méchants servent encore d’une autre manière à purifier les bons ; c’est quand ceux-ci prient pour eux. Si ce devoir est d’un accomplissement difficile, se peut-il rien de plus encourageant que la récompense promise ? – Profite donc de l’épreuve des méchants sans te scandaliser de leur grand nombre ; vois comme il est beau de prier pour eux, et sois sûr qu’en te conformant à ces desseins de Dieu qui te met sous le pressoir, tu seras recueilli comme la bonne huile, tandis que les méchants seront rejetés comme l’écume.
1. Nous aimons la beauté de la maison de Dieu et la demeure où habite sa gloire, si nous-mêmes sommes aussi cette demeure. Et quelle est la beauté de la maison de Dieu et la demeure où habite sa gloire, sinon ce temple sacré dont l’Apôtre dit : « Le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui ôtes ce temple[2] ? » Notre œil est agréablement flatté lorsque dans les édifices élevés par la main des hommes il voit l’élégance unie à la magnificence : ainsi la maison de Dieu est belle et sa demeure pleine de gloire, lorsque les cœurs des fidèles, comme des pierres vivantes, sont unis entre eux par le lien de la charité. Apprenez ainsi ce que vous devez aimer, afin de pouvoir l’aimer. Aimer la beauté de la maison de Dieu, c’est sans aucun doute aimer l’Église : non pas les murailles et les toitures élevées par des ouvriers, non pas les marbres polis et les lambris dorés ; mais, les hommes fidèles et saints, qui aiment Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme, de tout leur esprit, et le prochain comme eux-mêmes.
2. Mais en ce qui concerne la communion, la participation aux Sacrements, on voit dans le peuple chrétien « un nombre au-dessus du nombre[3]. » Autre chose est donc le nombre, autre chose ce qui est au-dessus du nombre. Le nombre ce sont ceux dont l’Apôtre dit : « Le Seigneur tonnait ceux qui sont à lui. » Au-dessus du nombre, ceux dont il parle ainsi : « Car dans une grande maison il n’y a pas seulement des vases d’or et d’argent, mais aussi de bois et de terre ; et les uns sont pour l’ornement, les autres pour l’ignominie [4]. » Ainsi les vases d’honneur sont le nombre ; au-dessus du nombre, les vases d’ignominie : et en face de ces deux sortes de vases, qui peut douter parmi lesquels est la beauté de la maison de Dieu ? Si donc, pour mettre d’accord ta conduite avec ce que tu viens de chanter, tu veux aimer la beauté de la maison de Dieu et la demeure où habite sa gloire ; cherche les vases d’honneur. Mais ne dis pas : J’en ai cherché sans en trouver. Si en cherchant tu n’as point trouvé, c’est que tu n’étais pas ce que tu cherchais. Les semblables s’unissent et les opposés se fuient. Si tu es un vase d’ignominie, sans aucun doute il te sera difficile même de voir le vase d’honneur. Ignores-tu ce que l’on a dit de quelqu’un : « Sa vue-même nous est à charge [5] ? » Comment te serait-il facile de découvrir ce qu’il t’est si difficile de voir ? Ces vases sont placés à l’intérieur, et pour connaître un juste il ne suffit pas de l’apercevoir. Le juste et l’injuste frappent également les yeux ; tous deux sont hommes, mais ils ne sont pas tous deux la maison de Dieu ; et si chacun d’eux porte le nom de chrétien, ils sont vases l’un et l’autre, non pas également vases d’honneur ; si l’un est vase d’honneur, l’autre est vase d’ignominie.
3. Faut-il, à cause de ces vases d’ignominie, abandonner la grande maison ? Le Seigneur, le Maître de cette grande maison, sait faire usage des vases d’honneur et des vases d’ignominie. Comme les méchants usent mal de ce qui est bien, ainsi Dieu use bien de ce qui est mal. Et quand les méchants n’usent-ils pas du bien, puisque toute créature de Dieu est bonne[6] ? Mais comment en usent-ils mal ? comme le leur reproche l’Écriture lorsqu’elle dit : « Vous demandez et vous ne recevez pas, car vous demandez mal, pour satisfaire vos convoitises ».

  1. Ps. 25, 8
  2. 1 Cor. 3, 17
  3. Ps. 39, 6
  4. 2 Tim. 2, 19, 20
  5. Sag. 2, 15
  6. 1 Tim. 4, 4