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comme disent les Grecs : ainsi l’Apôtre Pierre, pendant sa prière, vit descendre du ciel un vase rempli d’animaux figurant les gentils qui devaient arriver à la foi. Il parle dans. l’esprit même : c’est ainsi que réfléchissant en lui-même après cette vision, l’Apôtre connut ce que Dieu demandait de lui. Nul en effet ne peut le connaître si la vérité ne fait entendre à l’intérieur comme un cri silencieux. Dieu parle aussi dans la conscience des hommes de bien ; car nul ne peut ni approuver le bien, ni réprouver le mal qu’il fait, qu’autant que ce cri de la vérité applaudit ou réclame dans le silence du cœur. Or la Vérité c’est Dieu ; et puisqu’elle peut de tant de manières parler aux hommes, aux bons et aux méchants, sans que tous ceux à qui elle s’adresse puissent voir sa substance et sa nature ; qui d’entre nous peut conjecturer ou imaginer de quelles manières et de combien de manières elle parle aux Anges ; soit aux bons Anges qui jouissent avec transport de son ineffable beauté en la contemplant avec une charité merveilleuse ; soit aux Anges apostats, qui corrompus par leur orgueil et rejetés au loin comme ils le méritaient, par la Vérité même, peuvent néanmoins entendre sa voix de quelques manières inconnues de nous, quoiqu’ils ne soient pas dignes de la contempler face à face ?
5. Ainsi donc, frères bien-aimés, fidèles de Dieu, et vrais enfants de l’Église catholique, votre mère, que personne ne puisse vous faire prendre des aliments empoisonnés, quoique vous ayez besoin encore d’être nourris de lait. Marchez maintenant avec persévérance dans la foi de la vérité ; afin qu’au temps déterminé et convenable vous puissiez parvenir à la contempler. Car, comme dit l’Apôtre, « pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons en étrangers loin du Seigneur ; c’est parla foi que nous marchons en effet et non en le voyant [1]. » Mais la foi chrétienne nous conduit voir cette beauté du Père, ce qui a fait dire au Seigneur : « Nul ne vient au Père que par moi[2]. » Nos adversaires n’ont ainsi aucun motif de demander comment le démon a pu aller à Dieu par le Christ. Le démon en effet ne saurait parvenir à ce bonheur de la contemplation où la foi chrétienne conduit les cœurs purs. Il ne s’ensuit pas toutefois qu’il ne puisse entendre la voix et la parole de Dieu ; puisque bien des hommes parmi ceux-mêmes qui ne croyaient pas au Christ, ont pu entendre cette voix divine qui disait du haut du ciel : « Je l’ai glorifié, je le glorifierai encore, » après que le Sauveur se fut écrié : « Père glorifiez votre Fils [3]. »
6. S’il est écrit que le diable se présenta à la vue de Dieu, ce n’est pas pour exprimer que personne puisse jamais se dérober à ses regards, puisqu’il voit tout et que : le cœur n’a point de secrets pour lui. Ce que l’Écriture rapporte se fit secrètement, c’est pourquoi elle dit : « Et voici que les Anges se présentaient à la vue de Dieu, » à laquelle pourtant ils ne se dérobent jamais. Où qu’ils soient envoyés, l’œil de Dieu les accompagne, et pour parler dans le sens propre, ou dit soumis au regard de Dieu ce que ne saurait découvrir le regard humain, comme les secrets de la conscience. Pour ce motif, lorsque nous réprimandons un menteur, nous disons qu’il n’a point parlé sous le regard de Dieu : il n’a pas dit en effet ce que l’œil de Dieu voit dans son âme où nul homme ne saurait porter la vue. Ainsi donc, parce que les choses dont il s’agit se sont accomplies dans le plus profond secret et que sans la révélation de l’Esprit-Saint l’Écriture n’aurait pu les faire connaître aux hommes, il est dit qu’on se présenta à la vue de Dieu et que là se tint le conseil.
7. Le diable, est-il écrit, se trouvait au milieu des Anges., Si tu vois ici les bons Anges, comprends que le diable était au milieu d’eux, comme l’accusé au milieu des gardes quand il comparait devant le tribunal. L’Écriture ne déclare point de quels Anges il s’agit ici. Et si tu y vois les mauvais anges, est-il étonnant que le prince et le chef soit au milieu de ses ministres ? Veux-tu entendre la vue de Dieu en ce sens que non-seulement Dieu voit ceux qui se présentent à sa vue, mais qu’eux aussi voient Dieu ? Alors il faut comprendre que le diable était au indien des bons Anges sans voir Dieu comme eux, et que Dieu lui parla par le moyen de quelqu’un d’entre eux. Remarquons néanmoins que le livre sacré porte simplement : « Dieu dit. » Mais quoique le : juge ait presque tout dit, dans les affaires publiques, par l’organe de son héraut, n’est-il pas vrai que le nom du héraut ne figure point à côté de celui du juge dans la rédaction des Actes ? Tout indigne qu’on soit d’une vision prophétique, ne peut-on se trouver au milieu des prophètes, entendre ce que le Seigneur dit parleur, bouche sans voir ce qu’ils voient ? Ainsi, pour

  1. 2 Cor. 5, 6, 7
  2. Jn. 14, 6
  3. Jn. 12, 28, 27