Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée

hypocrites même dans, l’Église, nourrissent son enfant du lait de la toi catholique et des divines Écritures, c’est qu’en s’opposant au partage elle a conservé l’unité, c’est que la dernière sentence du juge, emblème du jugement suprême du Christ, a mis en relief sa charité, cette charité qui n’a pas craint de céder devant la Dissimulation, pour conserver la vie de l’enfant et, affermir l’unité, pour maintenir en lui l’amour vivifiant et les pieux embrassements de sa mère, pour lui assurer enfin la jouissance de son éternel bonheur.


SERMON XI. ÉLIE ET LA VEUVE DE SAREPTA[1].

ANALYSE. – Saint Augustin, dans cette courte homélie, rappelle d’une façon saisissante : 1° la nécessité des bonnes œuvres, 2° la grâce qui sait y disposer les cœurs, 3° la récompense qui leur est assurée.


1. Le Seigneur notre Dieu ne veut laisser périr aucun de nous ; il cultive son Église comme une vigne ; il demande du fruit à ses arbres avant que le temps soit venu où la hache doit abattre ceux qui n’en portent pas. C’est pourquoi il ne cesse de nous avertir de faire le bien, tandis que nous en avons le temps et que nous le pouvons avec son secours. Une fois le moment de l’action passé, il n’y a plus qu’à en recevoir la récompense. Après la résurrection, en effet, personne ne té dira, dans le royaume de Dieu : Partage ton pain avec celui qui a faim ; personne n’y souffrira de la faim : Revêts celui qui est nu ; puisqu’on y aura pour vêtement l’immortalité : Accueille l’étranger ; puisque tous seront dans leur patrie ; car maintenant mous en sommes éloignés. Personne ne dira : Visite le malade ; car la santé y sera éternellement inaltérable: Ensevelis les morts, car il n’y en aura pas. Ces devoirs de charité ne seront aucunement nécessaires dans cette éternelle vie où tu ne connaîtras que la paix et une éternelle joie Mais aujourd’hui, pour nous faire savoir combien il nous recommande instamment les œuvres de miséricorde, Dieu laisse au besoin ses plus fidèles serviteurs ; et ceux qui deviennent leurs amis en partageant avec eux les richesses d’iniquité, seront à leur tour reçus dans les tabernacles éternels[2] : en d’autres termes, si les riches du siècle soulagent de leurs aumônes les serviteurs de Dieu qui tombent quelquefois dans l’indigence en s’appliquant continuellement à son service, ils méritent de partager avec eux la vie du ciel, comme avec eux ils ont partagé les biens de la terre.
2. Ces réflexions sont amenées par la première lecture qu’on vient de nous faire dans le livre des Rois [3]. Dieu avait-il manqué de nourrir son serviteur Élie ? Les oiseaux, à défaut d’homme, ne le servaient-ils pas ? Un corbeau ne lui apportait-il pas un pain chaque matin et de la chair le soir ? Dieu voulut montrer, ainsi qu’il i peut fournir aux besoins de ses serviteurs quand et comme il le veut. Et cependant, pour donner à une pieuse veuve l’occasion de le nourrir, il réduisit son prophète à l’indigence. Mais l’indigence du saint enrichit la veuve. Quoi ! Élie ne pouvait-il, par la miséricorde divine, faire pour lui-même ce qu’il fit pour une burette d’huile ? Vous le voyez donc et la chose est évidente, les serviteurs de Dieu sont parfois dans le besoin pour éprouver ceux qui n’y sont pas. Cette veuve toutefois n’avait rien ; ses dernières ressources étant épuisées, elle allait mourir avec ses enfants. Pour faire cuire son dernier pain, elle alla donc amasser deux morceaux de bois ; Élie la vit alors. Remarquez : l’homme de Dieu la vit quand elle cherchait deux morceaux de bois. Cette femme représentait l’Église ; et comme la croix est formée de deux morceaux de bois, cette femme mourante cherchait à vivre toujours. Contentons-nous d’indiquer ce mystère. Élie parle ensuite à la veuve comme Dieu le lui avait ordonné. Celle-ci lui fait connaître ses dispositions dernières, elle annonce qu’elle va mourir après avoir épuisé ce qui lui reste.

  1. 1 R. 18
  2. Lc. 16, 9
  3. 1 R. XVII