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C’est que Dieu fait, des saints, sa demeure et le temple où il daigne habiter, et il veut que ce temple demeure inviolable. À la vierge, à la religieuse qui se marie, on pourrait donc appliquer ce que Pierre disait à propos de l’argent, et lui dire : Restant entre tes mains, ta virginité ne t’appartenait-elle pas, et n’était-elle pas en ta puissance, avant que tu en fisses vœu ? Quand toutefois on s’est conduit de la sorte, quand on a fait un tel vœu sans y être fidèle, on doit s’attendre, non pas à être corrigé par la mort temporelle, mais à être condamné aux éternelles flammes.


SERMON CXLIX. QUATRE QUESTIONS[1].

ANALYSE. – Saint Augustin, dans ce discours, résout quatre questions que le dimanche précédent il avait promis d’approfondir. La première est relative à la vision célèbre qu’eut saint Pierre immédiatement avant d’être appelé chez le Centurion Corneille. Les animaux purs et impurs qu’il lui fut ordonné de manger peuvent signifier que les observances légales étaient abolies sous le Christianisme, parce que leurs significations prophétiques s’y trouvaient accomplies. Cependant, comme des serpents étaient mêlés à ces animaux et que les serpents ne peuvent servir d’aliment aux hommes, il faut donner à cette vision une autre interprétation encore et l’entendre, comme l’entendit Pierre, dans ce sens que les Gentils étaient, comme les juifs, appelés à faite partie du corps de l’Église. – La seconde question est relative aux bonnes œuvres. D’un côté il nous est recommandé de les faire secrètement, et d’autre part nous sommes obligés de les faire briller publiquement. N’y a-t-il pas contradiction ? Le moyen de concilier ces préceptes qui semblent opposés est de faire le bien en public, quand on doit l’y faire, mais sans se proposer pour but l’estime des hommes. Il faut avoir en vue uniquement la gloire de Dieu et l’édification du prochain. – C’est ce que rappelle la troisième question. Elle demande comment la main gauche peut ignorer ce que fait la droite. Saint Augustin répond que la gauche représente les biens temporels, et la droite, les biens éternels. Ne mêlez pas, dans vos bonnes œuvres, le désir des premiers au désir des derniers, et votre gauche ignorera ce que fait votre droite. – Enfin, et c’est la quatrième question, comment l’Évangile nous ordonne-t-il d’aimer nos ennemis, quand l’ancien Testament disait : Aime ton prochain et hais ton ennemi ? Ces préceptes sont vrais l’un et l’autre ; car le prochain que nous commande d’aimer l’ancienne, loi désigne tous les hommes, et l’ennemi qu’elle ordonne de haïr n’est autre que le diable. Donnons à nos ennemis des preuves ardentes de notre charité, ce sera souvent le moyen d’en faire pour nous des amis.


1. Je me souviens que dès avant dimanche dernier je m’étais engagé, envers votre sainteté, à résoudre quelques questions tirées des Écritures. Or voici le moment d’acquitter ma promesse, autant que le Seigneur daigne m’en faire la grâce ; car, sans parler de la charité qu’on doit toujours quoique toujours on s’en acquitte, je voudrais n’être pas plus longtemps votre débiteur.A propos de la vision de Pierre, nous disions qu’il faudrait examiner premièrement ce que signifie cette espèce « de nappe de lin qu’on abaissait du ciel par les quatre coins et dans laquelle étaient toutes sortes de quadrupèdes de la terre, de serpents et d’oiseaux du ciel ;» ce que signifient encore ces paroles divines adressées au même Apôtre : « Tue et mange ; » pourquoi enfin cette nappe s’abaissa et se releva trois fois.
2. Il est facile de réfuter ici ceux qui s’imaginent que le Seigneur notre Dieu voulait par là commander à Pierre la gourmandise. Quand même en effet nous prendrions à la lettre ces mots : « Tue et mange ; » ce n’est pas à tuer et à manger qu’il y a péché, mais à user sans modération des dons que Dieu fait aux hommes pour subvenir à leurs besoins.
3. L’ancienne loi avait donc déterminé certains animaux dont les Juifs pouvaient manger, et certains autres dont ils devaient s’abstenir. Cette distinction figurait des choses futures ; l’Apôtre saint Paul l’enseigne clairement dans ces paroles : « Que personne donc ne vous juge sur le manger ou sur le boire, ou à cause des jours de fête, des néoménies ou des sabbats, ce qui est l’ombre des choses futures [2] . » Aussi dit-il ailleurs, quand l’Église déjà était établie « Tout est pur pour ceux qui sont purs, mais il est mal à l’homme de manger avec scandale. – Quand l’Apôtre écrivait ceci, il y avait effectivement des chrétiens qui mangeaient certaines viandes au scandale de quelques âmes faibles. On vendait alors au marché des chairs d’animaux immolés par les aruspices, et beaucoup de frères s’abstenaient d’en manger pour ne pas

  1. Act. 10,1 ss ; Matt. 5, 16 ; 6, 1-4 ; 5, 43-48
  2. Col. 3, 16-17