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se réalise à la future résurrection des morts. Or lorsque se réalisera notre espérance, notre justification se complétera aussi ; et avant de les compléter, le Seigneur montre dans son corps, dans notre Chef même, en ressuscitant et en remontant vers son Père, ce que nous devons espérer. Aussi est-il écrit : « Il a été livré à cause de nos péchés, et il est ressuscité pour notre justification[1].» En résumé, le monde est condamné « à cause du péché », commis par ceux qui ne croient pas au Christ ; « à cause de la justice », pratiquée par ceux qui ressuscitent au nombre de ses membres ; et c’est pourquoi il est dit : « Afin que nous soyons en lui la justice de Dieu[2] ; » car si nous n’étions pas en lui, nous ne serions pas justice. Mais si nous sommes en lui, comme il remonte tout entier, il retourne avec nous vers sonPère


SERMON CXLV. QU’EST-CE QUE DEMANDER QUELQUE CHOSE[3] ?

ANALYSE. – Notre-Seigneur reproche à ses disciples de n’avoir jamais rien demandé en son nom. En son nom pourtant ils ont déjà fait bien des miracles. Comment donc entendre sa pensée ? – Il est dit dans l’Écriture que Dieu refuse les jouissances divines à ceux qui sont sous le joug de la crainte et qu’il les accorde abondamment à ceux qui vivent d’espérance. Rien n’est plus vrai, car ceux qui ne servent Dieu que par crainte ont le cœur attaché au mal que la crainte seule leur fait éviter, tandis que ceux que l’espérance attache au service de Dieu ont pour lui un amour véritable dont ils goûtent les joies : Cet amour qui rend le cœur heureux est donc la grande grâce qu’il faut solliciter. – Or les disciples jusques là avaient plutôt vécu sous le joug de la crainte que sous le joug de l’amour. Sans doute ils avaient déjà demandé bien des faveurs ; mais Jésus considère ces faveurs comme n’étant rien ou presque rien en comparaison de ce qu’il voudrait qu’ils sollicitassent ; et c’est pourquoi il leur dit que jusqu’alors ils n’ont rien demandé.


1. Nous avons remarqué, durant la lecture du saint Évangile, une pensée qui doit sans aucun doute mettre en mouvement toute âme sérieuse et la déterminer non pas à se décourager mais à chercher. Sans mouvement en effet il n’y a pas de changement possible ; mais s’il est un mouvement dangereux, comme celui dont il est dit : « Ne mettez pas mes pieds en mouvement[4] ; » il est aussi un autre mouvement qui consiste à chercher, à frapper, à demander. Tous, il est vrai, nous avons entendu le lecteur ; tous pourtant, je présume, nous ne l’avons pas compris. Sa voix donc nous signale ce qu’avec moi vous devez chercher, examiner, demander la grâce de comprendre. Dieu, je l’espère, nous assistera dans sa bonté et m’accordera ce dont je désire vous faire part. Pourquoi donc, dites-moi, le Seigneur vient-il d’adresser cette observation à ses disciples « Vous n’avez jusqu’alors rien demandé en mon nom ? » N’est-ce pas ici ces mêmes disciples qu’il a envoyés avec le pouvoir de prêcher l’Évangile et de faire des miracles, et qui sont revenus vers lui tout transportés de joie et s’écriant : « Seigneur, voici qu’en votre nom les démons nous sont soumis[5] ? » Vous vous rappelez, vous reconnaissez ce passage que j’ai cité de l’Évangile, dont toutes les parties et toutes les pensées sont incontestablement vraies et sans aucun langage d’erreur. Comment alors accorder ces deux textes « Vous n’avez jusqu’alors rien demandé en mon nom ; – Seigneur, voici qu’en votre nom les démons mêmes nous sont soumis ? » Quel esprit ne désire résoudre cette question ? Donc il

  1. Rom. 4, 25
  2. 2 Cor. 5, 21
  3. Jn. 16, 24
  4. Ps. 65, 9
  5. Lc. 10, 17, 20