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SERMON CXLIV. L’ESPRIT-SAINT CONDAMNANT LE MONDE[1].

ANALYSE. – L’Esprit-Saint condamne le monde, et cette condamnation repose sur trois motifs : 1° sur le péché que commet le monde en ne croyant pas au Christ et en demeurant ainsi sous le joug de toutes les iniquités dont le délivrerait la foi du Christ ; 2° sur la justice rendue au Fils de Dieu, ressuscité et glorifié par son Père, et pratiquée par les fidèles, ressuscités avec lui parla foi et avec lui élevés au ciel en quelque sorte ; 3° sur le jugement prononcé contre le démon, que la foi au Christ bannit du cœur et réduit u n’attaquer plus que parle dehors.


1. En promettant d’envoyer le Saint-Esprit, qu’il a effectivement envoyé, notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ disait, entre beaucoup d’autres choses : « Il condamnera le monde à cause du péché, à cause de la justice, et à cause du jugement. » Et avant de passer à un autre sujet, il daignait s’arrêter pour expliquer sa pensée plus clairement. « À cause du péché, disait-il, car on n’a pas cru en moi ; à cause de la justice, car je vais à mon Père ; à cause enfin du jugement, car le prince de ce monde est déjà jugé. » Ici donc s’élève en nous le désir de comprendre les questions suivantes : Les hommes ne pêchent-ils qu’en ne croyant pas au Christ et pourquoi le Sauveur semble-t-il dire que le Saint-Esprit ne condamnera le monde que pour ce seul péché ? N’est-il pas manifeste qu’il y a dans le inonde beaucoup d’autres péchés que celui-là, et pourquoi ce péché est-il le seul que doive reprocher lé Saint-Esprit ? Serait-ce parce que l’infidélité maintient l’empire de tous les péchés, tandis que la foi les efface tous, et Dieu pour ce motif imputerait-il principalement, uniquement même, le péché qui empêche la rémission de tous les autres ? En effet, c’est l’orgueil qui détourne l’homme de croire à un Dieu humilié ; et il est écrit : « Dieu résiste aux superbes, tandis qu’il donne sa grâce aux humbles[2]. » Cette grâce est sans doute un don de Dieu. Or le Don suprême est l’Esprit-Saint ; aussi est-il une grâce, Il est grâce ; c’est-à-dire gratuitement donné ; parce que tous les hommes avaient péché et avaient besoin de la gloire de Dieu[3], le péché étant entré dans le monde par un seul homme et par le péché la mort, dans la personne de celui en qui tous ont péché[4]. La grâce est ainsi donnée gratuitement ; elle n’est pas une récompense accordée après l’examen des mérites, elle est une faveur octroyée après le pardon des fautes.
2. Ainsi donc c’est à cause du péché que sont condamnés les infidèles, c’est-à-dire les esclaves du monde, désignés par ce terme de monde ; et : quand il est dit que l’Esprit-Saint « condamnera le monde à cause du péché », il n’est question que du péché commis par eux en ne croyant pas au Christ. Supprimez en effet ce péché d’infidélité, il n’en restera plus aucun, puisque le juste en vivant de la foi obtient la rémission de toutes ses iniquités. Mais il y a une différence importante entre croire le Christ et croire au Christ. Les démons effectivement croient le Christ et ne choient pas au Christ. Croire au Christ, c’est en même temps espérer en lui et d’aimer ; car avoir la foi sans l’espérance et sans la charité, c’est croire le Christ et non pas croire en lui. Or en croyant au Christ, on le reçoit, on s’unit à lui d’une certaine façon et l’on devient membre de son corps, ce qui ne peut se faire si la foi ne s’ajoute l’espérance et la charité.
3. Que signifient aussi ces autres paroles : « A cause de la justice, car je vais à mon Père ? » Et d’abord, puisque le monde est condamné à cause du péché, pourquoi l’est-il encore à cause de la justice ? Qu’y a-t-il dans la justice qui mérite condamnation ? Faut-il entendre que si le monde est condamné, c’est à cause de son péché propre et à cause de la justice du Christ ? Je ne vois pas d’autre sens à donner à ces paroles, d’autant plus que je lis : « A cause du péché, car on n’a pas cru cri moi ; à cause de la justice, car je vais à mon Père.» Ce sont les mondains qui n’ont pas cru et c’est lui qui va à son Père ; ainsi le péché est pour eux et la justice pour lui. Mais pourquoi ne montrer la justice que dans son retour vers son Père ? N’était-ce pas justice aussi quand il venait de Lui vers nous ? Ou bien son avènement parmi nous ne serait-il pas plutôt miséricorde et justice son retour vers son Père ?

  1. Jn. 16, 3-11
  2. Jac. 4, 6
  3. Rom. 3, 23
  4. Id. 5, 12