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entrât, une partie d’Israël est tombée dans l’aveuglement[1]. » L’univers entier gisait dans l’aveuglement ; mais le Sauveur est venu « afin que ceux qui ne voient pas, voient, et que ceux qui voient, deviennent aveugles. » Les Juifs l’ont méconnu, les Juifs l’ont crucifié, pour lui il a fait avec son sang un remède pour les aveugles. De plus en plus opiniâtres et aveuglés de plus en plus, ceux qui se vantaient de voir la lumière ont crucifié la Lumière même. Quel aveuglement, d’avoir éteint la Lumière ! Mais cette Lumière, éteinte sur la croix, a éclairé les aveugles.
5. Écoute un ancien aveugle, maintenant éclairé ; reconnais combien ils ont été malheureux de heurter contre la croix pour avoir refusé d’avouer au médecin leur aveuglement. Ils avaient conservé la Loi. Que peut la Loi sans la grâce ? Qu’a pu, malheureux, la Loi sans la grâce ? Que peut la terre, si elle n’est détrempée par la salive, du Christ ? La Loi sans fa grâce peut-elle autre chose que de rendre plus coupables ? Pourquoi ? Parce qu’en écoutant la Loi sans l’accomplir, on est non, seulement pécheur, mais encore prévaricateur. L’hôtesse de l’homme de Dieu vient de perdre son enfant, le prophète envoie son serviteur poser son bâton sur la face de cet enfant, mais il ne revient pas à la vie. Que peut la Loi sans la grâce : Écoutez un ancien aveugle ; c’est aujourd’hui un voyant, un Apôtre : que dit-il ? « Si la Loi avait été donnée avec le pouvoir de communiquer la vie, la justice viendrait vraiment de la Loi. » Remarquez bien, répétons. Qu’a dit l’Apôtre ? « Si la Loi avait été donnée avec le pouvoir de communiquer la vie, la justice viendrait vraiment de la Loi. » Mais si elle ne pouvait communiquer la vie ; à quoi bon la donner ? L’Apôtre le dit en continuant ainsi « Mais l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût accordée aux croyants par la foi en Jésus-Christ[2]. » Afin donc d’accomplir en faveur des croyants, par la foi en Jésus-Christ, les promesses qui assuraient aux hommes la lumière et l’amour, l’Écriture ou la Loi atout compris sous le péché. Que veut dire, « A tout compris sous le péché ? – Je ne connaîtrais pas la concupiscence, si la Loi n’eût dit : Tu ne convoiteras pas[3]. » Que veut dire encore : « L’Écriture a tout compris sous le péché ? » — Que la Loi a rendu le pécheur prévaricateur, puisqu’elle n’a pu le guérir. « Elle a tout compris sous le péché. » Dans l’espoir de la grâce, dans l’espoir de la miséricorde. Tu as reçu la Loi et tu as voulu l’accomplir, mais tu n’as pu ; tu es ainsi tombé du haut de ton orgueil, tu as expérimenté ta faiblesse. Cours donc au médecin, lave-toi la face ; appelle le Christ de tes vœux, confesse-le et crois en lui ; ainsi l’Esprit se joindra à la lettre et tu seras guéri. Car si tu ôtes l’Esprit de la lettre, « la lettre te tuera ; » si elle te tue, quel espoir te reste-t-il ? « C’est l’Esprit qui donne la vie [4]. »
6. Que le serviteur d’Élisée, que Giézi prenne donc le bâton de son maître, comme Moïse, le serviteur de Dieu, reçut autrefois la Loi. Qu’il prenne le bâton, qu’il le prenne, qu’il coure, qu’il devance son maître, arrive avant lui et mette son bâton sur le visage de l’enfant mort. C’est déjà fait. Giézi a reçu le bâton, il a couru et l’a posé sur la face du mort. Mais à quoi bon ? À quoi bon ce bâton ? « Si la Loi avait été donnée avec le pouvoir de communiquer la vie », le bâton aurait ressuscité l’enfant ; mais « l’Écriture ayant tout compris sous le péché », l’enfant reste mort. Pourquoi « l’Écriture a-t-elle tout compris sous le péché ? – Afin que la promesse fût accomplie en faveur des croyants par la foi en Jésus-Christ. » Vienne donc Élisée. Pour constater la mort, il a envoyé son serviteur avec son bâton ; mais qu’il vienne lui-même, qu’il vienne, qu’il entre dans la demeure de son hôtesse, qu’il monte dans la chambre haute et qu’y rencontrant l’enfant mort il applique sur chacun des membres de ce mort chacun des membres vivants de son propre corps. Il l’a fait aussi ; il a appliqué sa face sur la face de l’enfant, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains, ses pieds sur ses pieds, il s’est comme rétréci, contracté, rapetissé[5]. Il s’est comme rétréci, comme diminué. Ainsi : « Celui qui avait la nature divine s’est anéanti en prenant la nature de serviteur[6]. » Tout vivant il s’est appliqué sur l’enfant mort : qu’est-ce à dire ? Vous voulez le savoir ? Écoutez l’Apôtre « Dieu a envoyé son Fils. » Mais s’appliquer sur l’enfant mort ? L’Apôtre va le dire, il continue en effet : « Dans une chair semblable à la chair de péché[7]. » S’appliquer vivant sur le mort, c’est donc venir à nous, non pas avec une chair de péché, mais avec une chair semblable à la chair de péché. Nous étions morts dans notre chair de péché, le Christ s’est approché de nous avec une chair, semblable à notre chair de péché ;

  1. Rom. 11, 25
  2. Gal. 3, 21-22
  3. Rom. 7, 7
  4. 2Co. 3, 6, 2
  5. 2Ro. 4
  6. Phi. 2, 6
  7. Rom. 8, 3