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faut-il s’en rapporter, s’il faut ne pas croire à la vérité ? Il est évident que ne pas chercher à s’en rapporter à elle, c’est ne vouloir se fier qu’au mensonge. Mais en parlant ainsi le Christ entrait dans la pensée de ses interlocuteurs et le sens de ses paroles est celui-ci : « Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage n’est pas vrai », dites-vous. Il savait sans doute combien était fondé le témoignage qu’il se rendait ; mais pour éclairer ces hommes malades et incrédules qui ne le comprenaient pas, le Soleil recourait à un flambeau. Leurs yeux souillés ne pouvaient soutenir l’éclat du Soleil même.
2. Aussi en appela-t-il à Jean pour rendre témoignage à la vérité, et vous avez vu en quels termes : « Vous êtes allés vers Jean. C’était un flambeau ardent et luisant, et vous avez voulu vous réjouir un moment à sa lumière. » Ce flambeau était destiné à les couvrir de confusion et c’est ce qui était, depuis bien longtemps, prédit dans les Psaumes : « J’ai préparé un flambeau à mon Christ. » Quoi ! un flambeau pour le Soleil ? « Je couvrirai ses ennemis de confusion, tandis qu’éclatera sur lui la gloire de ma sainteté [1]. » Aussi Jean lui-même servit-il à les humilier quand ils dirent au Seigneur : « En vertu de quel pouvoir fais-tu cela ? » apprends-le-nous. « Et vous, repartit le Seigneur, apprenez-moi à votre tour si le Baptême de Jean venait du ciel ou des hommes ? » Mais ils se turent, car ils se dirent aussitôt en eux-mêmes : « Si nous répondons qu’il vient des hommes, le peuple nous lapidera, car on tient Jean pour un prophète, Et si nous répondons qu’il vient du ciel, lui nous demandera : Pourquoi donc n’y avez-vous pas cru ? » Jean en effet avait rendu témoignage au Christ. Pressés intérieurement par ces questions et pris dans leurs propres pièges, ils répondirent : « Nous n’en savons rien. » Quel autre cri pouvait s’échapper de ces ténèbres ? Il faut, quand on ignore, répondre : Je ne sais pas ; mais quand on sait et qu’on dit : Je l’ignore, on dépose contre soi-même. Ces Juifs connaissaient sûrement et la grandeur de Jean et l’origine céleste de son baptême ; mais ils ne voulaient pas s’abandonner à Celui à qui Jean avait rendu témoignage. Aussi, dès qu’ils eurent répondu : « Nous n’en savons rien », Jésus ajouta : « Je ne vous dirai pas non plus en vertu de quelle autorité je fais cela[2]. » Ainsi furent-ils confondus conformément à cette prédiction : « J’ai préparé un flambeau à mon Christ ; je couvrirai ses ennemis de confusion. »
3. Les martyrs aussi ne sont-ils pas les témoins de Jésus-Christ et ne rendent-ils pas témoignage à la vérité ? Mais si nous examinons avec soin, nous verrons que quand ils rendent témoignage au Messie, c’est lui encore qui se rend témoignage, car il est dans ses martyrs pour les animer à déposer en faveur de la vérité. Écoute l’un d’entre eux, c’est l’Apôtre Paul : « Voulez-vous donc, dit-il, éprouver Celui qui parle en moi, le Christ [3] ? » Ainsi donc, lorsque Jean rend témoignage au Christ, c’est le Christ, habitant en lui, qui se rend témoignage ; et peu importe celui qui parle en son honneur, que ce soin Pierre, que ce soit Paul, que ce soit les autres Apôtres ou Étienne, c’est toujours lui qui se rend témoignage, puisqu’il habite en eux tous. Il est Dieu sans eux ; mais eux, que sont-ils sans lui !
4. Il est dit de lui : « Il est monté au ciel, il arendu la captivité captive, il a répandu ses dons sur les hommes[4]. » Que signifie : « Il a rendu la captivité captive ? » Il a vaincu la mort. Le diable lui a donné la mort, et par la mort du Christ le diable est devenu son captif. « Il est monté au ciel. » Connaissons-nous rien de plus élevé que le ciel ? Eh bien ! il y est monté visiblement et sous les yeux de ses disciples[5]. Nous le savons, nous le croyons, nous le confessons. « Il a répandu ses dons sur les hommes. » Quels sont ces dons ? L’Esprit-Saint. Quand il fait un tel don, que n’est-il pas lui-même ? Combien donc est généreuse la miséricorde de Dieu ! Il donne son égal, puisque le Don qu’il fait n’est rien moins que l’Esprit-Saint, et que le Père, le Fils et le Saint Esprit, ou la Trinité, ne forment qu’un seul Dieu. À son tour que nous a donné le Saint-Esprit ! Écoute l’Apôtre : « La divine charité, dit-il, a été répandue dans nos cœurs. » Comment donc, ô mendiant, la charité divine a-t-elle été répandue dans ton cœur ? Comment cette charité peut-elle inonder le cœur humain ? « Nous portons ce trésor dans des vases d’argile », dit encore le même Apôtre. Pourquoi « dans des vases d’argile ! « Afin de faire éclater la vertu de Dieu[6]. » Et après avoir dit : « La divine charité a été répandue dans nos cœurs ; » il ajoute immédiatement, pour empêcher chacun de s’attribuer lebonheur d’aimer Dieu : « Par l’Esprit-Saint qui nous a été donné[7]. » Ainsi, pour aimer Dieu,

  1. Psa. 131, 17,18
  2. Luc. 20, 2-8
  3. 2Co. 13, 3
  4. Psa. 57, 19 ; Eph. 4, 8
  5. Act. 1, 9
  6. 2Co. 4, 7
  7. Rom. 5, 5