Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/532

Cette page n’a pas encore été corrigée

le cœur pur, car ils verront Dieu[1]. » Il fallait donc qu’au moment du jugement la nature humaine fût montrée aux bons et aux méchants, et qu’aux bons seuls fût réservée la vue de la nature divine.
11. Que recevront en effet les bons ? Je vais dire enfin ce que je n’ai pas dit encore, et tout en le disant je ne l’exprimerai pas. J’ai dit que nous aurons alors la vie, la santé, une santé parfaite, que nous serons exempts de toute peine, n’ayant plus à souffrir ni la faim, ni la soif, ni aucune défaillance, ni la crainte de perdre la vue. J’ai dit tout cela, mais je n’ai pas dit ce que nous aurons de plus. Nous verrons Dieu. Or cette vue de Dieu est une faveur si haute et si grande, que rien n’y est comparable. Je l’ai dit : Nous aurons la vie, la santé et une santé parfaite, nous n’endurerons ni la faim ni la soif, ni abattement de lassitude, ni accablement de sommeil. Mais qu’est-ce que tout cela en présence du bonheur de voir Dieu ? Ainsi, Dieu n’étant pas aujourd’hui pour nous visible tel qu’il est, dès que néanmoins nous le verrons, n’est-ce pas pour ce motif que « ce que l’œil n’a point vu, ce que, l’oreille n’a point entendu », sera contemplé par les bons, contemplé par les hommes pieux, contemplé par les cœurs compatissants, contemplé par les fidèles, contemplé enfin par ceux qui auront heureusement part à la résurrection des corps, pour avoir heureusement obéi quand il s’agissait de la résurrection des âmes ?
12. Le méchant aussi verra-t-il Dieu ? Isaïe dit de lui : « Que l’impie disparaisse et ne voie point la gloire de Dieu[2]. » Ainsi les pieux et les impies verront sa nature humaine ; mais après cette sentence : « Que l’impie disparaisse et ne voie « point la gloire de Dieu ; » il faudra que s’accomplisse envers les pieux et les justes la promesse faite par le Seigneur lorsqu’il vivait sur la terre et que les méchants le voyaient aussi bien que les bons. Alors en effet il faisait entendre sa parole au milieu des bons et des méchants ; tous le voyaient, voyaient son humanité, mais non pas sa divinité, et tandis que sa divinité dirigeait secrètement les hommes, il paraissait parmi eux comme l’un d’entre eux et leur disait : Celui qui m’aime observe mes commandements ; celui qui m’aime sera aimé de mon Père, et « moi aussi je l’aimerai. » Puis, comme si on lui avait demandé : Que lui donnerez-vous donc ? « Et je me montrerai à lui. » poursuit-il[3]. » Quand parlait-il ainsi ? Quand les hommes le voyaient. Quand parlait-il ainsi ? Quand le voyaient ceux-mêmes qui ne l’aimaient pas. Si donc il voulait se montrer à ceux qui l’aimaient, c’était sous une forme qu’eux-mêmes ne voyaient pas en lui, c’était comme Dieu, car ils le voyaient comme homme. Ainsi donc, comme homme il parlait aux hommes et se montrait ostensiblement aux bons et aux méchants ; mais comme Dieu il se réservait à ses amis.
13. Quand doit-il se révéler à eux ? Après la résurrection des corps, quand l’impie disparaîtra pour ne voir pas la gloire de Dieu. Alors en effet, « lorsqu’il apparaîtra, nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu’il est[4]. » En cela consiste la vie éternelle, et tout ce que nous eu avons dit jusqu’alors n’est rien. Qu’est-ce effectivement que la vie présente ? Qu’est-ce que la santé ? Mais voir Dieu, voilà ce qui est important, en cela consiste la vie éternelle. Lui-même d’ailleurs l’a déclaré. – « La vie éternelle, a-t-il dit, est de vous connaître, vous qui êtes le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ[5]. » Oui, la vie éternelle est de connaître, de voir, de saisir, de pénétrer ce qu’on a cru de posséder ce qu’on ne pouvait goûter jusqu’alors. O âme humaine, vois enfin ce que l’œil n’avait point vu, ce que l’oreille n’avait point entendu, ce qui n’était point monté dans le cœur de l’homme ; car à la fin il sera dit aux justes : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. » Et tandis que les méchants iront brûler éternellement, où iront les justes ? « A l’éternelle vie[6]. » Qu’est-ce que l’éternelle vie ? « L’éternelle vie consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ. »
14. C’est donc de la future résurrection des corps que parle le Sauveur, lorsque pour ne nous laisser pas dans l’ignorance, il dit : « Dieu lui a donné le pouvoir de juger comme étant le fils de l’homme. Ne vous en étonnez pas ; car viendra l’heure. » Il n’ajoute pas ici : « Et c’est maintenant », parce que l’heure dont il parle ne viendra que plus tard, à la fin des siècles ; parce que cette heure est l’heure dernière et sonnera avec la dernière trompette. « Ne vous en étonnez pas ; » de ce que j’ai dit : « Il lui a donné le pouvoir de juger, comme étant fils de l’homme, Ne vous en étonnez pas. » Car il faut que l’homme soit

  1. Isa. 26 10, sel. LXX
  2. Mat. 5, 8
  3. Jn. 14, 21
  4. 1Jn 3, 2
  5. Jn. 17, 3
  6. Mat. 25, 34, 46