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SERMON CXXIII. HUMILITÉ DU CHRIST[1].

ANALYSE. – L’orgueil a commencé notre perte, par l’humilité doit commencer notre salut, Aussi quels exemples d’humilité nous a donnés Jésus-Christ ! Lui qui change pour autrui l’eau en vin aux noces de Cana, ne change pas pour lui-même les pierres en pain dans le désert. Lui qui se montre si puissant dans ses miracles, s’abandonne volontairement aux dernières indignités durant sa passion, et aujourd’hui encore il s’humilie dans la personne de ses pauvres. Ah ! comprendrons-nous enfin que nous sommes pauvres nous-mêmes et que nous nous enrichissons en assistant les pauvres ?


1. Vous le savez, mes frères, vous l’avez appris lorsque vous avez commencé à croire en Jésus-Christ, et nous vous le rappelons constamment clans l’accomplissement de notre ministère : le remède à notre orgueil est l’humilité du Sauveur. En effet, l’homme n’aurait pas péri, s’il ne s’était laissé enfler par l’orgueil. « L’orgueil, dit l’Écriture, est le commencement de tout péché[2]. » Or, à ce commencement de tout péché il a fallu opposer le commencement de toute justice. Si donc l’orgueil est le commencement de tout péché, eût-il été possible de guérir cette plaie funeste si Dieu n’avait daigné se faire humble ? Rougis, ô homme, de ta superbe, en face de l’humilité d’un Dieu. Nous invite-t-on à nous humilier ? nous ne tenons pas compte de cette recommandation, et l’orgueil porte l’homme il se venge des outrages qu’il a reçus. Oui, c’est parce qu’on dédaigne de s’humilier que l’on veut se venger ; comme si l’on pouvait profiter de la peine faite à autrui ! Mais si en aspirant à se venger des torts et des injures que l’on a soufferts, on cherche un remède dans le châtiment d’autrui, on n’y trouve qu’un cruel tourment. C’est pourquoi le Christ notre Seigneur a daigné s’humilier en toutes choses. Il nous montre ainsi la voie ; à nous de ne refuser pas d’y marcher.
2. Voyez, ce Fils d’une vierge paraît dans une noce, lui qui dans le sein de son Père a établi les noces. La première femme, la femme qui a introduit le péché parmi nous, ayant été tirée de l’homme sans le concours d’aucune femme, il convenait que l’homme qui venait détruire le péché, naquit d’une femme sans le concours d’aucun homme. Elle nous ayant fait tomber, lui nous relève. Que fait-il donc aux noces ? Il change l’eau en vin. Quel témoignage de sa puissance ! Et pourtant il s’est abaissé jusqu’à se réduire à l’indigence. Lui qui a changé l’eau en vin, ne pouvait-il changer des pierres en pain ? Il ne fallait pas plus de puissance. Sans doute, mais s’il ne fit pas ce changement, c’est que le diable l’y avait porté. Vous le savez en effet, c’est ce que le diable conseillait à notre Seigneur Jésus-Christ au moment où il le tenta. Le Seigneur donc souffrait de la faim, il en souffrait volontairement, car c’était aussi un acte d’humilité ; c’était le Pain de vie qui avait besoin d’aliments. Ainsi on le vit épuisé, bien qu’il fût la voie ; couvert de blessures, quoiqu’il fût la santé, et mort, bien qu’il fût la vie même. Au moment donc où il avait faim, le tentateur lui dit, comme vous savez : « Si tu es le Fils de Dieu, dis à ces pierres de devenir des pains. » Pour t’apprendre à répondre au tentateur, il lui répondit, comme un général combat afin de faire la leçon à ses soldats. Que répondit-il ? « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de Dieu. » Mais il ne changea pas les pierres en pain. Il le pouvait faire aussi, aisément qu’il avait changé l’eau en vin, il ne lui fallait que la même puissance ; mais il, n’en usa pas afin de témoigner son mépris pour la volonté du tentateur. Car on ne peut vaincre le tentateur qu’en le méprisant. Or, quand il l’eut vaincu les Anges s’approchèrent de lui et ils le servaient[3]. Pourquoi, demandera-t-on, pourquoi avec tant de puissance fit-il un miracle plutôt que l’autre ? Lis ; ou plutôt rappelle-toi ce qu’on t’a lu à propos de l’un de ces miracles, du changement d’eau en vin : Que dit alors l’Évangile ? « Et ses disciples crurent en lui. » Mais le démon aurait-il cru en lui ?
3. Oui, malgré tant de puissance, il a eu faim, il a eu soif, il a été fatigué, il a dormi, il a été garrotté, déchiré de coups, crucifié et mis a mort. Voilà le chemin tracé ; marche dans cette voie d’humilité pour parvenir à l’heureuse éternité.

  1. Jn. 2, 1-11
  2. Sir. 10, 15
  3. Mat. 4, 2-4, 10