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obtenir ? Donne. Veux-tu qu’on te pardonne ? Pardonne. C’est un abrégé complet. Écoute encore le Christ ; ailleurs il dit lui-même : « Pardonnez, et on vous pardonnera ; donnez, et on vous donnera[1]. » – « Pardonnez, et on vous pardonnera. » Que pardonnerez-vous[2] ? Les offenses que d’autres ont commises contre vous. Et que vous pardonnera-t-on ? Celles que vous-mêmes avez commises. « Pardonnez » donc. « Donnez, et on vous donnera ce que vous désirez », la vie éternelle. Soutenez la vie temporelle du, pauvre, entretenez la vie actuelle de l’indigent, et comme produit de ce peu de semence terrestre, vous aurez pour moisson la vie éternelle. Ainsi soit-il.


SERMON CXV. L’HUMILITÉ DANS LA PRIÈRE[3].

ANALYSE. – Notre-Seigneur nous engage, de la manière la plus pressante, à prier toujours. Mais pour prier il faut la foi. Cependant la prière a besoin d’obtenir l’affermissement de la foi même. Que nous sommes pauvres par conséquent ! Aussi nous faut-il prier non avec l’orgueil du pharisien, mais avec l’humilité profonde du publicain. Que penser alors de ces hérétiques qui en s’attribuant le mérite de leurs bonnes œuvres, l’emportent par leur orgueil sur les pharisiens mêmes ? Il n’est pas jusqu’aux petits enfants qui n’aient besoin de la grâce de Dieu.


1. Cette lecture du Saint ( nous porte à la prière et à la vraie foi, sans nous permettre de nous appuyer sur nous-mêmes, mais sur le Seigneur. Se pouvait-il une exhortation plus pressante à la prière, que cette comparaison du juge d’iniquité ? Il n’avait ni crainte de Dieu, ni égards pour personne : vaincu par l’ennui et non pas déterminé par l’humanité, il finit néanmoins par écouter la pauvre veuve qui recourait à lui. Si donc il l’exauça, quoiqu’il trouvât ses réclamations si importunes, comment ne nous exaucerait pas Celui qui nous presse de le prier ? Mais en nous excitant, par cette parabole tirée des contraires, « à prier toujours et à ne cesser jamais », le Seigneur ajoute : « Néanmoins, quand le Fils de l’homme viendra, penses-tu qu’il trouvera de la foi sur la terre ? » Sans la foi, point de prière. Comment demander ce qu’on ne croit pas ? Aussi le bienheureux Apôtre ne manque pas de dire, en exhortant à la prière : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » Puis, pour montrer que la foi est la, source de la prière et que le ruisseau ne peut couler si la source est à sec, il ajoute : « Mais comment l’invoqueront-ils, s’ils ne croient pas en lui ?[4] » Ainsi donc, pour prier il faut croire, et pour obtenir la conservation de la foi qui fait la prière, il nous faut prier. La foi répand la prière et la prière en se répandant obtient l’affermissement de la foi. Je le répète : La foi répand la prière, et la prière en se répandant obtient l’affermissement de la foi même. C’est en effet pour ne laisser pas notre foi s’affaiblir au milieu des tentations que le Seigneur dit ensuite : « Veillez et priez, pour n’entrer pas en tentation. Veillez, dis-je et priez, pour n’entrer pas en tentation. » Qu’est-ce qu’entrer en tentation, sinon quitter la foi ? car la tentation gagne ce que la foi perd, et la foi gagne à son tour ce que perd la tentation. Effectivement, pour mieux convaincre votre charité qu’en disant : « Veillez et priez pour n’entrer pas en tentation », le Seigneur donnait un moyen d’empêcher l’affaiblissement et la perte de la toi, il ajoute, au même endroit dans l’Évangile : « Cette nuit même Satan a demandé à vous cribler comme le froment ; mais j’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille point [5]. » Quand Celui qui soutient supplie, celui qui est en danger ne supplierait pas ? Observons toutefois que ces mots : « Quand le Fils de l’homme viendra, penses-tu qu’il trouvera de la foi sur la terre ? » s’appliquent à la foi, parfaite, car elle est bien rare dans le monde, Vous le voyez, l’Église de Dieu se remplit. Or qui pourrait y entrer s’il n’avait point de foi, et si la foi était parfaite, qui ne transporterait des montagnes ? Considérez les Apôtres eux-mêmes : ils n’auraient pas tout abandonné, ils n’auraient pas foulé aux pieds les espérances du siècle poursuivre

  1. Luc. 6, 37-38
  2. Luc. 6, 37-38
  3. Luc. 18, 1-17
  4. Rom. 10, 13-14
  5. Luc. 22, 46, 31-32