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du Christ [1] ; – Soyez donc les imitateurs de Dieu ?[2] » C’est de l’Apôtre et non pas de moi ces paroles. « Soyez donc les imitateurs de Dieu. » N’y a-t-il pas orgueil à prétendre imiter Dieu ? Écoute l’Apôtre : « Soyez les imitateurs de Dieu, comme ses enfants bien-aimés. » Tu portes ce nom d’enfant : si lu refuses d’imiter ton père, pourquoi cherches-tu à être son héritier ?
4. Je tiendrais ce langage, lors même que tu n’aurais à désirer le pardon d’aucun péché. Mais quel que soit son titre, n’es-tu pas un homme ? Juste, tu es homme ; laïque, tu es homme ; moine, tu es homme ; clerc, tu es homme ; évêque, tu es homme ; Apôtre même, tu es homme. Or écoute un Apôtre : « Si nous prétendons être sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes. » Celui, celui qui parle ainsi, c’est Jean, Apôtre et Évangéliste, Jean, que le Christ notre Seigneur aimait spécialement et qui reposait sur sa poitrine ; c’est lui qui dit : « Si nous prétendons. » Il ne dit pas : Si vous prétendez être sans péché, mais : « Si nous nous prétendons sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous. » Il se met au nombre des pécheurs pour obtenir avec eux le pardon. « Si nous prétendons. » Remarquez bien quel est celui qui parle. « Si nous prétendons être sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n’est point en nous. Mais si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les remettre et nous purifier de toute iniquité[3]. » Comment nous en purifie-t-il ? En nous les pardonnant ; car s’il trouve en nous à punir, il y trouve aussi à pardonner. Par conséquent, mes frères, si nous avons des fautes, pardonnons à qui nous en prie ; ne gardons dans notre cœur d’inimitiés contre personne, ces inimitiés ne feraient que le corrompre de plus en plus.
5. Je veux aussi que tu pardonnes, par le motif que je te vois demander pardon. On te le demande, accorde-le ; on te le demande et tu le demanderas : on te le demande, accorde-le, car tu le solliciteras pour toi-même. Viendra bientôt le temps de la prière et je me fais contre toi une arme des paroles que tu prononceras alors : « Notre Père qui êtes aux cieux ; » car tu ne serais pas de ses enfants, si tu ne disais : « Notre Père. » Ainsi tu diras : « Notre Père qui êtes aux cieux. » Poursuis : « Que votre nom soit sanctifié. » Plus loin encore : « Que votre règne arrive. » Encore plus loin : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » A cela qu’ajoutes-tu ? « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. » Où est ta fortune ? Te voilà mendiant. Viens néanmoins aux paroles qui renferment notre question, et après ces mots : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien », prononce les suivants : « Pardonnez-nous nos offenses. » C’est ici que j’en voulais venir : « Pardonnez-nous nos offenses. » Mais de quel droit solliciter ce pardon ? sur quelle convention, sur quel contrat, sur quelle signature s’appuyer ! « Comme nous pardonnons nous-mêmes à ceux qui nous ont offensés[4]. » C’est donc peu de ne pardonner pas, tu mens, et tu mens à Dieu. Tu as rappelé une condition, établi la règle ; elle est dans ces mots : Pardonnez comme je pardonne. Aussi ne pardonne-t-il point si tu ne pardonnes. Pardonnez comme je pardonne. Tu veux, quand tu le demandes, qu’on, t’accorde le pardon ; octroie-le donc quand on le sollicite près de toi. Cette requête est dictée par le Jurisconsulte du ciel, il ne te trompe pas ; conforme ta requête à ce qu’à dit sa voix céleste ; dis : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons-nous mêmes », et exécute ce que tu dis. Mentir en priant, c’est se priver de la faveur sollicitée ; mentir en priant, c’est à la fois perdre son procès et provoquer un châtiment. Qui peut mentir à l’Empereur sans être convaincu quand l’Empereur paraît ? Mais si tu mens en priant ; c’est dans la prière même que ton mensonge est découvert, et Dieu pour te convaincre n’appelle aucun témoin. S’il est ton avocat en dictant ta requête, il devient, si tu mens, témoin à ta charge, et si tu ne te corriges, il sera ton juge. Ainsi dis et fais.ce que tu dis. Car en ne prononçant pas cette requête, ta prière est contraire au droit, et en la prononçant sans y conformer ta conduite, tu seras convaincu de mensonge. On ne saurait donc passer sur ce verset qu’en accomplissant ce qu’il exprime. Pourrons-nous l’effacer de notre prière ? Voulez-vous conserver seulement : « Pardonnez-nous nos offenses », et supprimer : « Comme nous pardonnons nous-mêmes à ceux qui nous ont offensés ? » N’efface rien, si tu ne veux être d’abord effacé toi-même. Ainsi donc ta prière renferme ces deux mots « Donnez », et « Pardonnez. » C’est pour acquérir ce que tu n’as pas encore, et pour être déchargé des fautes que tu as commises. Veux-tu

  1. Col. 3, 13
  2. Eph. 5, 1
  3. 1Jn. 1, 8-9
  4. Mat. 6, 9, 12