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SERMON CIX. FAIRE PÉNITENCE[1].

ANALYSE. – Ce qui nous oblige à faire pénitence, c’est que : 1° notre mort est proche ; 2° il est nécessaire, pour échapper aux derniers supplices, de nous entendre pendant la vie avec notre adversaire, c’est-à-dire, de nous conformer à la parole de Dieu ; 3° nos jours ne font que s’écouler.


1. En entendant l’Évangile, nous avons vu le Seigneur accuser des hommes qui savent juger d’après l’aspect du ciel, et qui ne savent pas découvrir le temps où la foi montre l’approche du royaume des cieux. Il s’adressait aux Juifs ; mais ces paroles s’appliquent aussi à nous. Ce divin Seigneur Jésus-Christ commença ainsi la prédication de l’Évangile : « Faites pénitence car le royaume des cieux approche[2]. » Son précurseur, Jean-Baptiste, commença de même : « Faites pénitence, car le royaume des cieux approche[3]. » Aujourd’hui encore le Sauveur blâme ceux qui à cette approche du royaume des cieux refusent de faire pénitence. Il dit en effet : « Le royaume des cieux ne viendra pas de manière à être remarqué ; » et encore : « Le royaume des cieux est au dedans de vous[4]. » A chacun donc d’accueillir, comme la prudente l’exige, les avertissements du Sauveur et de ne pas perdre le temps où il fait miséricorde, où il pardonne au genre humain. Pourquoi en effet épargner l’homme, sinon pour l’amener à se convertir et à ne mériter pas la condamnation ? Dieu sait quand viendra la fin du siècle ; mais ce temps est pour nous le temps de la foi. Quelqu’un d’entre nous sera-t-il encore ici à la fin du monde ? Je l’ignore, et il est possible que non. Mais la vie de chacun de nous touche à sa fin, car nous sommes mortels et nous marchons au milieu des périls. Nous en aurions moins à redouter, si nous étions de verre. Qu’y a-t-il de plus fragile qu’un vase de verre ? On le conserve néanmoins pendant des siècles ; et si on craint pour lui des accidents, il n’est exposé ni à la vieillesse ni à la fièvre. Ne sommes-nous pas plus fragiles et plus faibles ? Nous avons à craindre chaque jour, pour notre fragilité, les dangers qui se multiplient autour de nous ; si nous y échappons, le temps nous entraîne. On évite un coup, évite-t-on la mort ? On se soustrait aux accidents extérieurs, échappe-t-on aux maladies qui naissent au dedans ? Ce sont tantôt des vers et tantôt des indispositions subites, et si longtemps que l’on soit épargné, la vieillesse finit par venir, il faut partir sans délai.
2. Ainsi donc écoutons le Seigneur, accomplissons fidèlement ce qu’il ordonne, et voyons quel est cet adversaire dont il nous menace quand il dit : « Lorsque tu vas avec ton adversaire devant un prince, tâche de te dégager de lui en chemin ; de peur qu’il ne te livre au prince et le prince à l’exécuteur, et que l’exécuteur ne te jette en prison ; car tu n’en sortirais point sans avoir payé jusqu’à la dernière obole. » Quel est donc cet adversaire ? Est-ce le diable ? Mais nous sommes déjà dégagés d’entre ses mains, et quelle rançon n’a pas été donnée pour notre rachat ! C’est de cette rançon que parle l’Apôtre quand il dit, à propos de notre rédemption, que Dieu « nous a arrachés, de la puissance des ténèbres et transférés dans le royaume de son Fils bien-aimé [5]. » Ainsi nous avons été rachetés, nous avons renoncé au diable ; comment donc travailler à nous en délivrer ? Quand nous péchons, peut-il nous asservir de nouveau ? Il n’est pas l’adversaire dont nous parle le Seigneur.— Ce qui le prouve encore, c’est la manière dont un autre Évangéliste traduit ailleurs la pensée du Seigneur : il suffit de rapprocher et de comparer les deux textes sacrés pour comprendre de quel adversaire il est ici question. Dans le, passage que nous examinons, que lisons-nous ? « Lorsque tu vas avec ton adversaire devant un prince, tâche de te dégager de lui en chemin. » Ce que l’autre Évangéliste traduit ainsi : « Accorde-toi au plus tôt avec ton adversaire, tant que tu chemines avec lui ; » le reste du texte : « De peur que ton adversaire ne te livre au juge, et le juge à l’exécuteur, et que l’exécuteur ne te jette en prison », est identique à ce que nous avons déjà vu[6]. Ainsi les deux auteurs expriment la même

  1. Luc. 12, 56-59
  2. Mat. 4, 17
  3. Id. 3, 2
  4. Luc. 17, 20, 21
  5. Col. 1, 13
  6. Mat. 5, 25