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4. Ainsi vous le voyez, mes bien-aimés, et vous le comprenez, j’espère ; il y a ici quelque grand mystère, quelque grand mystère que je dois faire connaître et comprendre à ceux-mêmes d’entre vous qui ne l’entrevoient pas encore. Ces deux femmes qui furent l’une et l’autre agréables au Seigneur, aimables toutes deux et toutes deux fidèles, ces deux femmes figurent deux vies : la vie présente et la vie future, la vie du travail et la vie du repos, la vie de l’épreuve et la vie du bonheur, la vie du temps et la vie de l’éternité. Voilà les deux vies ; approfondissez davantage leurs caractères réciproques. Qu’y a-t-il donc, dans la vie du temps, non pas quand elle est vicieuse, injuste, criminelle, débauchée, impie ; mais laborieuse et pleine de soucis, en proie aux supplices de la crainte et aux inquiétudes des tentations ; innocente pourtant, comme il convenait que Marthe la menât ? Examinez-la autant que vous en êtes capables et approfondissez sa nature, plus que je ne le fais dans mon discours. Quant à la vie coupable, elle était étrangère à Marie, et si elle lui fut jamais connue, elle disparut à l’approche du Seigneur ; en sorte que dans cette heureuse demeure qui reçut le Sauveur, il n’y avait que les deux vies représentées par les deux sueurs, deux vies innocentes, deux vies louables ; l’une appliquée au travail, l’autre au repos, sans que ni l’une ni l’autre fût une vie de dérèglements ou d’oisiveté ; oui, deux vies innocentes, deux vies louables dont l’une était appliquée au travail et l’autre au repos ; sans que la première fût une vie de dérèglements, car l’activité doit y prendre garde ; et sans que la seconde fut une vie d’oisiveté, car le repos y est exposé. Ces deux vies étaient donc alors dans cette demeure, et avec elles la source même de la vie. Marthe était une image du présent ; Marie, de l’avenir. Nous sommes à ce que faisait Marthe, nous espérons ce que faisait Marie. Faisons bien l’un pour posséder l’autre pleinement. Qu’avons-nous en effet, combien avons-nous de ces biens à venir ? Combien en avons-nous pendant que nous sommes ici ? Il est vrai toutefois que nous en goûtons quelque chose, quand éloignés des affaires et des soins domestiques vous vous réunissez ici, et vous y tenez attentifs. Vous êtes en cela semblables à Marie. Il vous est même plus facile de l’imiter qu’à moi, puisque c’est moi qui donne. Mais ce que je puis vous donner vient du Christ, vous n’êtes nourris que de ce qui vient de lui, car il est notre commun aliment, et avec vous je puise en lui la vie. Notre vie aussi, mes frères, c’est que vous soyez fermes dans le Seigneur [1] ; en vous appuyant sur le Seigneur, et non sur nous. Car celui qui est quelque chose, ce n’est pas celui qui plante, ni celui qui arrose, mais Dieu qui donne l’accroissement[2].

  1. 1Th. 3, 8
  2. 1Co. 3, 7