Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/449

Cette page n’a pas encore été corrigée

traiter de ces mystères. Voici ce qui a rapport à la question présente. Nous avons entrepris, de prouver que la moisson dont parle le Sauveur désigne les peuples à qui se sont adressés les prophètes ; et il fallait bien que les prophètes semassent pour que les Apôtres pussent recueillir. Or, pendant que la Samaritaine s’entretenait avec le Seigneur Jésus, lorsque le Seigneur lui eut dit, entre autres choses, de quelle manière on doit adorer Dieu : « Nous savons, reprit-elle, que le Messie, c’est-à-dire le Christ, va venir et qu’il nous apprendra toutes choses. » – « Moi qui te parle, ajouta le Sauveur, je le suis. » Crois ce que tu entends ; pourquoi chercher ce que tu vois ? « Moi qui te parle, je suis le Christ. » Mais quand cette femme disait : « Nous savons que le Messie va venir ; » le Messie qu’ont annoncé Moïse et les prophètes, et « qu’on nomme le Christ », évidemment la moisson était en épis. Elle avait dû, pour germer, être semée par les prophètes ; mais elle était mûre et pour être recueillie elle attendait les Apôtres. Aussi, dès qu’elle eut entendu ces mots du Sauveur, la Samaritaine crut, laissa là sa cruche s’en alla en courant, et commença à annoncer le Seigneur. Pendant ce temps-là les disciples étaient allés acheter des aliments. Ils virent, en revenant, que leur Maître s’entretenait avec une femme, et ils s’en étonnèrent. Ils n’osèrent cependant lui dire : « De quoi ou par quel motif vous entretenez-vous avec elle ? » gardant en eux leur étonnement et refoulant dans leur cœur le désir de l’exprimer. Ainsi le nom du Christ n’était pas nouveau pour la Samaritaine ; elle attendait son arrivée, elle croyait qu’il allait paraître. D’où lui venait cette foi, sinon de ce que Moïse l’avait semée ? Mais voici plus expressément encore ce que nous cherchons. « Vous prétendez que l’été est loin encore, dit alors le Seigneur à ses disciples ; levez les yeux et voyez les campagnes déjà blanchissant pour la moisson… D’autres ont travaillé, ajouta-t-il, et vous, vous êtes entrés dans leurs travaux [1]. » En effet, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, et les prophètes avaient travaillé, pour semer. La moisson était mûre à l’arrivée du Seigneur. Il envoya des moissonneurs armés de la faux de l’Évangile, et ils rapportèrent des gerbes sur l’aire sacrée, où devait être foulé saint Étienne.
3. Ici se présente Paul et on l’adresse aux gentils ; ce qu’il ne laisse pas oublier en parlant de la grâce spéciale qu’il a reçue en propre, car il est dit dans ses écrits qu’il est envoyé pour prêcher l’Évangile dans des pays où le nom même du Christ n’était pas connu. Mâts comme la première moisson est terminée et que tous les Juifs qui restent…, considérons cette autre récolte dont nous faisons partie. Que la semence ait été répandue par les Apôtres ou par les Prophètes, c’est toujours le Christ qui a semé ; car il était dans les Apôtres, quoique d’ailleurs il ait moissonné en personne. Les Apôtres en effet ne pouvaient rien sans lui, tandis que sans eux rien ne lui manque, et il leur disait : « Sans moi vous ne sauriez rien à faire [2]. » Que dit donc le Sauveur en répandant la semence dans la gentilité ? « Le semeur s’en alla semer. » Aux Juifs il envoya des moissonneurs ; il vient ici semer hardiment. Pourquoi d’ailleurs aurait-il hésité en voyant tomber sa semence, partie sur le chemin, partie dans des endroits pierreux et partie au milieu des épines ? S’il avait craint de passer par ces terrains ingrats, il ne serait pas arrivé au bon terrain. Pourquoi nous occuper encore des Juifs et parler de la paille ? Cherchons seulement à n’être ni un chemin, ni des endroits pierreux ou couverts d’épines, mais une bonne terre. Que notre cœur soit si bien préparé qu’il produise trente, soixante, mille et cent pour un : ces chiffres sont bien différents sans doute ; tous néanmoins ne représentent que du froment. Ne soyons pas un chemin, dans la crainte que la semence, foulée aux pieds par les passants, ne soit emportée par l’ennemi comme par un oiseau rapace. Ne soyons pas un terrain pierreux, dans la crainte que perçant bien vite une couche si légère, la divine semence ne puisse supporter les ardeurs du soleil. Ne soyons pas non plus une terre couverte d’épines, livrés aux passions du siècle, aux sollicitudes d’une vie abandonnée aux vices[3]. Eh ! qu’y a-t-il de plus affreux que ces sollicitudes de la vie qui ne laissent point arriver à la vie Qu’y a-t-il de plus misérable que ces soins de la vie qui font perdre la vie ? Qu’y a-t-il de plus infortuné que ces craintes de la mort qui donnent la mort ? Ah ! qu’on arrache ces épines, qu’on prépare le champ, et qu’il reçoive la semence : qu’on parvienne enfin à la moisson avec le désir d’être serré dans le grenier et sans craindre le feu.
4. Établi par le Seigneur ouvrier tel quel dans

  1. Jn. 4, 38
  2. Jn. 15, 5
  3. Mat. 13, 2-23