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par des discours, mais par des œuvres. Ce même Philippe, qui avait baptisé des habitants de Samarie, mais sans leur communiquer le Saint-Esprit, qu’ils n’auraient pas reçu, si les Apôtres n’étaient venus pour leur imposer les mains, baptisa l’eunuque de la reine Candace, qui venait d’adorer à Jérusalem et qui en retournant lisait sur son char le prophète Isaïe, mais sans le comprendre. Averti secrètement, Philippe s’approcha du char, expliqua le passage que lisait l’eunuque, lui enseigna la foi, lui annonça le Christ. L’eunuque crut aussitôt au Christ, et ayant rencontré de l’eau ; « Voilà de l’eau ; dit-il, qui empêche de me baptiser ? » – « Crois-tu en. Jésus-Christ, lui demanda Philippe ? » – « Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu ; » répondit-il, et soudain ils descendirent dans l’eau. Après les cérémonies du sacrement vie Baptême, le Ciel n’attendit pas encore une fois l’arrivée des Apôtres ; mais pour empêcher d’attribuer aux hommes la collation du Saint-Esprit, le Saint-Esprit descendit sur le champ[1]. Ainsi se trouvait dissipée la vaine idée de Simon, et c’était pour qu’à l’avenir nul ne pensât comme lui.
12. Voici un trait plus admirable encore. Pierre se rendit chez le Centurion Corneille, c’était un incirconcis, un gentil ; il se mit à prêcher Jésus-Christ, à lui et à ceux qui étaient là. Or, pendant que Pierre parlait encore ; je ne dis pas, avant qu’il imposât les mains, mais avant même qu’il conféra le baptême, et pendant que ceux qui l’accompagnaient doutaient encore si l’on pouvait baptiser des incirconcis, car cette question s’était élevée avec scandale entre les Juifs devenus fidèles et les chrétiens convertis de la gentilité, lesquels pourtant avaient été baptisés dans l’incirconcision ; donc pendant que Pierre parlait encore, l’Esprit-, Saint, pour trancher cette question, descendit tout-à-coup, remplit Corneille et ceux qui étaient avec lui [2]. Ce grand évènement fût comme une voix qui disait à Pierre : Pourquoi hésiter de prendre l’eau sainte ? Ne suis-je pas ici ?
13. Ainsi donc, quels que soient les désordres dont une âme a besoin d’être déchargée par la grâce de Dieu, quelles que soient les souillures et les prostitutions dont elle a besoin de se purifier dans l’Église, qu’elle prenne confiance, qu’elle croie, qu’elle se jette aux pieds du Seigneur, qu’elle cherche ces pieds sacrés, qu’elle t’arrose des larmes de ses aveux et les essuie de ses cheveux. Les pieds du Seigneur sont les prédicateurs de l’Évangile et les cheveux de la pécheresse sont les biens superflus. Qu’elle essuie, qu’elle essuie de ses cheveux les pieds divins qu’elle fasse des œuvres de miséricorde ; qu’après les avoir essuyés, elle les baise, qu’elle reçoive la paix, polir avoir la charité. Est-elle venue pour recevoir le baptême, à un ministre tel que l’Apôtre Paul ? Qu’elle recueille de lui vos paroles : « Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même de Jésus-Christ[3] » A-t-elle eu pour la baptiser un homme qui cherche ses intérêts et non ceux du Christ Jésus[4] ? Qu’elle écoute le Seigneur disant lui-même : « Faites ce qu’ils enseignent, mais gardez-vous de faire ce qu’ils font[5]. »
Qu’elle s’appuie donc tranquillement sur Jésus-Christ, soit qu’elle ait eu affaire à un digne ministre, soit qu’elle en ait rencontré un autre qui ne fait pas ce qu’il dit car le Seigneur la rassure et lui dit : « Va, c’est ta foi qui t’a sauvée. »


SERMON C. CHOIX LIBRES DE LA GRÂCE[6].

ANALYSE. – Un homme demande à suivre. Jésus-Christ ; Jésus-Christ n’en veut pas, car il ne voit pas en lui une âme droite. Un second n’ose demander ; le Sauveur l’excite et l’encourage. Un troisième enfin diffère ; le Fils de Dieu lui en fait un reproche. Cette conduite si différente prouve que le choix divin dépend tout entier de la grâce ; et s’il a égard aux bonnes dispositions qu’il rencontre parfois, ces bonnes dispositions ne sont-elles pas aussi l’effet de cette même grâce ? À la grâce donc, attribuez tout le bien, et à vous vous tout le mal qui est en vous.


1. Écoutez, sur ce passage de l’Évangile, ce que le Seigneur a daigné me suggérer. Nous venons de voir, en Jésus Notre-Seigneur, une conduite bien différente. Un homme s’offre à le suivre, et il le repousse ; un autre n’ose s’avancer, et il l’excite ; un troisième enfin diffère, et il lui en fait des reproches.

  1. Act. 8, 26-39
  2. Act. 10
  3. 1Co. 4, 16
  4. Phi. 2, 21
  5. Mat. 23, 3
  6. Luc. 9, 57-62