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et qu’on le laisse aller. C’est la fonction dont le Sauveur a chargé ses disciples en leur disant : « Ce que vous délierez sur la terre, sera aussi délié dans le ciel [1]. »
7. Ces réflexions, mes bien-aimés, doivent porter ceux qui ont la vie à l’entretenir en eux, et ceux qui ne l’ont pas à la recouvrer. Le péché n’est-il que conçu dans le cœur sans s’être encore révélé par aucun acte ? Qu’on se repente, qu’on redresse ses idées. O mort, lève-toi dans le sanctuaire de la conscience. A-t-on accompli déjà un dessein mauvais ? On ne doit pas désespérer non plus. Si le mort n’est pas ressuscité dans sa demeure, qu’il ressuscite quand il est sorti. Qu’il se repente de ses actes et recouvre au plus tôt la vie. O mort, ne descends pas dans les profondeurs du tombeau, ne te laisse pas recouvrir par la pierre sépulcrale de l’habitude. Mais n’ai-je pas devant moi un malheureux déjà chargé de la froide et dure pierre, déjà accablé sous le poids de l’accoutumance, mort de quatre jours qui exhale l’infection ? Que lui non plus ne désespère pas. O mort, tu es enseveli bien bas, mais le Christ est grand. Il sait de sa voix puissante entrouvrir les pierres tumulaires, rendre par lui-même la vie intérieure aux morts et les faire délier par ses disciples. O morts, faites donc pénitence ; car en ressuscitant après quatre jours, Lazare ne conserva plus rien de l’infection première.
Ainsi donc, vivez, vous qui vivez, et vous qui êtes morts, quelle que soit celle de ces trois classes de morts où vous vous reconnaissiez, empressez-vous de ressusciter au plus tôt.


SERMON XCIX. LA RÉMISSION DES PÉCHÉS[2].

ANALYSE. – Après avoir montré que c’est à son repentir, à sa dévotion, à sa foi enfin, que la pécheresse de l’Évangile est redevable du pardon généreux que lui accorda Jésus-Christ, saint Augustin se demande dans quel sens il est vrai que celui à qui on a plus pardonné aime aussi davantage. 2 répond que le pardon embrasse les péchés dont Dieu nous a préservés aussi bien que les péchés effacés par sa miséricorde. Il examine ensuite pour réfuter les Donatistes non moins orgueilleux que les Pharisiens, si la rémission des péchés doit être réellement attribuée aux hommes. Évidemment, répond-il, elle est l’œuvre du Saint-Esprit, et pour l’accorder, il emploie ou n’emploie pas, selon qu’il le juge convenable, l’intervention des hommes. Bien des faits éclatants prouvent cette vérité dans l’Écriture. C’est donc aux pieds de Jésus-Christ que les pécheurs doivent se jeter, à l’exemple de la pécheresse, pour obtenir le pardon de leurs fautes.


1. Nous en sommes persuadés, Dieu demande que nous vous entretenions des avertissements que nous donne sa parole dans les divines leçons ; aussi, avec le secours de sa grâce, nous allons parler à votre charité de la rémission des, péchés. Vous vous êtes montrés fort attentifs pendant qu’on lisait l’Évangile, et la scène rapportée semblait se renouveler sous vos yeux. Vous avez vu en effet, non pas de l’œil du corps, mais de l’œil du cœur, Notre Seigneur Jésus-Christ à table dans la maison d’un pharisien ; invité par lui, le Fils de Dieu n’avait pas dédaigné d’accepter. Vous avez vu aussi une femme fameuse ou plutôt diffamée pour ses désordres dans toute la ville, entrant hardiment dans la salle à manger où était son médecin et cherchant la santé avec une sainte impudeur. Si son entrée importunait les convives, elle venait pourtant fort à propos réclamer un bienfait. Ah ! elle savait combien profonde était sa plaie et combien était capable de la guérir Celui à qui elle s’adressait. Elle se mit donc, non pas à la tête, mais aux pieds du Seigneur, pieds sacrés qui lui rappelaient les fausses démarches auxquelles elle s’était abandonnée trop longtemps. Elle commença par répandre des larmes, c’était le sang de son cœur, et comme pour faire l’aveu de ses désordres, elle en arrosa les pieds du Seigneur, les essuyant de ses cheveux, les baisant et les parfumant. Elle parlait sans rien dire ; mais sans prononcer de paroles, quelle dévotion elle faisait éclater !
2. Or, en lui voyant toucher ainsi le Seigneur, à qui elle arrosait, baisait, essuyait et parfumait les pieds, le Pharisien qui avait invité Jésus-Christ et qui était du nombre de ces hommes superbes dont parle le prophète Isaïe quand il s’exprime ainsi : « Ce sont eux qui disent : Éloigne-toi de

  1. Mat. 18, 18
  2. Luc. 7, 36-60