Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/438

Cette page n’a pas encore été corrigée

seulement ce que tous peuvent voir ; il sait lire encore, ce que ne sait le premier qui n’a point appris. Ainsi parmi les témoins des miracles du Christ, il y en eut qui ne saisissaient point ce qu’ils signifiaient, ce qu’ils révélaient en quelque sorte à l’intelligence ; ceux-là ne les admiraient que comme des faits extérieurs ; mais il y en eut d’autres qui en comprenaient le sens tout en les admirant, et c’est à ceux-ci que nous devons ressembler dans l’école du Sauveur. Si l’on dit en effet qu’il a fait des miracles pour faire des miracles, on peut avancer également qu’en cherchant à cueillir des figues sur le figuier, il ignorait que ce n’en était pas la saison. L’Évangéliste dit positivement que ce n’était pas le moment des figues ; le Sauveur toutefois en cherchait sur cet arbre pour apaiser sa faim. Mais quoi ! le Christ ignorait-il ce que savait un paysan ? Le Créateur de ces arbres méconnaissait-il ce que savait le jardinier ? Il faut donc reconnaître qu’en cherchant des fruits sur cet arbre pour apaiser sa faim, il voulait faire entendre qu’il avait faim d’autre chose et qu’il cherchait une autre espèce de fruits. On le vit de plus maudire ce figuier qu’il trouva couvert de feuilles mais sans aucun fruit, et cet arbre se dessécha. Or comment avait-il démérité en ne portant pas de fruits [1] ? Quel crime peut commettre un arbre en demeurant stérile ? Ah c’est qu’il est des hommes dont la stérilité est¨volontaire, et la volonté les rendant féconds, ils sont coupables de ne pas l’être. Tels étaient les Juifs ; arbres chargés de feuilles et dénués de fruits, ils se vantaient de posséder la loi sans en faire les œuvres.J'ai voulu prouver, par ces développements, que Jésus-Christ Notre-Seigneur faisait des miracles pour nous instruire ; il ne les donnait pas seulement comme des œuvres merveilleuses, magnifiques et divines, i1 voulait encore nous donner par eux quelques leçons.
4. Qu’a-t-il donc prétendu nous enseigner par les trois morts qu’il a ressuscités ? Il a ressuscité d’abord la fille du prince de Synagogue qui le priait de venir la délivrer de sa maladie. Or lorsqu’il y allait, on vint annoncer qu’elle était morte, et comme pour lui épargner des fatigues désormais inutiles on disait au père : « Ta fille est morte, pourquoi tourmenter encore le Maître ? » Mais le Sauveur poursuivit sa route. « Ne crains pas, dit-il au père, crois seulement. » Il arriva à la maison, et trouvant déjà tout préparé pour l’accomplissement du devoir des funérailles : « Ne pleurez pas, dit-il, car cette jeune fille n’est pas morte, elle dort. » Il disait vrai ; cette fille était endormie, mais pour Celui-là seulement qui pouvait l’éveiller. Il l’éveilla et la rendit pleine de vie à ses parents[2]. Il ressuscita aussi ce jeune homme, fils de veuve, qui nous a donné occasion de faire à votre charité ces réflexions, que le Sauveur même daigne nous inspirer. On vient de vous rappeler comment eut lieu cette résurrection. Le Sauveur approchait d’une ville ; il rencontra un convoi qui emportait un mort, et on était déjà sorti de la porte. Touché de compassion à la vue des larmes que répandait cette pauvre mère, déjà veuve et privée maintenant de son fils unique, il fit ce que vous savez « Jeune homme, dit-il, je te le commande, lève-toi. » Ce mort se leva, il se mit à parler, et Jésus le rendit à sa mère. Il ressuscita enfin Lazare, dans le tombeau même. Les disciples savaient Lazare malade, et comme Jésus s’entretenait avec eux et qu’il aimait Lazare : « Lazare, notre ami, dort », dit-il. Mais eux, considérant que le sommeil serait bon au malade ; « Seigneur, répliquèrent-ils, s’il dort, il est guéri. « — Je vous le déclare, reprit alors le Sauveur plus clairement, Lazare, notre ami, est mort.[3]» Ces deux expressions sont justes : Pour vous il est mort, et pour moi il est seulement endormi.
5. Ces trois mots désignent trois espèces de pécheurs, ressuscités par le Christ, maintenant encore. La fille du chef de Synagogue était restée dans la maison de son père, elle n’en avait pas encore été tirée ni emportée publiquement, C’est dans l’intérieur de la demeure qu’elle fut ressuscitée et rendue vivante à ses parents. Quant au jeune homme, il n’était plus dans sa maison, et pourtant il n’était pas encore dans le tombeau ; il avait quitté le foyer, mais il n’était pas encore déposé dans la terre ; et la même puissance qui avait ressuscité la jeune fille encore sur son lit, ressuscita ce jeune homme qu’on avait sorti du, sien, sans l’avoir encore Inhumé. Une troisième chose restait à faire, c’était de ressusciter un mort dans le tombeau : Jésus fit ce miracle sur Lazare. Venons à l’application. Il y a des hommes qui ont le péché dans le cœur, quoiqu’il ne paraisse pas encore dans leur conduite. Ainsi quelqu’un ressent un mouvement de convoitise ; et comme le Seigneur dit lui-même : « Quiconque aura regardé

  1. Mat. 21, 18-19 ; Mrc, 11, 13
  2. Mrc. 5, 22-43
  3. Jn. 11, 11-44