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SERMON VIII. LES DIX COMMANDEMENTS ET LES DIX PLAIES D’ÉGYPTE.

ANALYSE. – Nous n’avons point ce discours tout entier : il y manque évidemment un exorde et une péroraison. Aussi porte-t-il le nom de Fragment dans les éditions latines. Salut Augustin a pour but d’établir une corrélation entre les dix préceptes du Décalogue et les dix plaies d’Égypte. Celles-ci indiquent à ses yeux les châtiments dont Dieu frappe les violateurs de sa loi. À la transgression du premier commandement il réserve comme punition l’aveuglement du cœur ; à la violation du second, la folie de sa raison ; du troisième, l’inquiétude et l’agitation de l’âme ; du quatrième, un honteux avilissement ; du sixième, l’assimilation aux animaux ; du cinquième, les fureurs de la colère ; du septième, l’indigence de l’âme ; du huitième, la malignité des langues ; du neuvième ; une sorte de folie ; du dixième enfin, la perte de la foi. Saint Augustin termine en disant que si les magiciens de Pharaon ont été vaincus à la troisième plaie ou au troisième prodige, c’est que cette troisième plaie correspond au troisième précepte, au précepte attribué spécialement au Saint-Esprit, à l’Esprit sanctificateur. Aussi avouent-ils que le doigt de Dieu est avec Moïse, et le doigt de Dieu désigne quelquefois l’Esprit-Saint dans le style même de l’Écriture.


1. Après avoir établi d’abord la certitude historique de ces évènements, nous devons en chercher la signification, il fallait poser le fondement pour ne paraître point bâtir dans les airs. Le premier miracle accompli, le changement de la verge en serpent, n’est point du nombre des dix plaies. C’était un moyen d’arriver jusqu’à Pharaon et de donner à Moïse l’autorité nécessaire pour tirer de l’Égypte le peuple de Dieu. Le Seigneur ne frappait pas encore des opiniâtres, il voulait leur inspirer une divine frayeur. La verge désigne le royaume de Dieu et le royaume de Dieu n’est autre que le peuple de Dieu. Le serpent au contraire rappelle cette vie mortelle, puisque c’est le serpent qui nous a fait boire la mort. Nous sommes devenus mortels en tombant de la main de Dieu sur la terre ; aussi la verge s’est échappée de la main de Moïse pour devenir un serpent. Les Mages de Pharaon firent de même. Mais le serpent de Moïse c’est-à-dire la verge de Moïse commença par dévorer tous leurs serpents [1] ; Moïse le saisit par la queue, il redevint une verge ; c’est le royaume de Dieu qui se replaçait sous sa main. Les verges des Mages figurent donc les peuples impies vaincus au nom du Christ : quand ils s’assimilent à son corps, ils sont comme dévorés par le serpent de Moïse, jusqu’à ce que le royaume de Dieu se replace sous sa main. Ce grand miracle n’aura lieu qu’à la fin des siècles, désignée par la queue du serpent. Voilà ce que vous devez désirer, voici ce que vous devez éviter,
2. Le premier précepte de la Loi regarde le culte d’un seul Dieu. « Tu n’auras point d’autres dieux que moi, dit le Seigneur[2].» La première plaie d’Égypte est l’eau changée en sang[3]. Compare ce premier précepte à cette première plaie. Dans l’eau, qui engendre tout, considère la ressemblance du Dieu unique qui a tout créé. Mais que désigne le sang, sinon la chair mortelle ? Et que signifie, en conséquence, le changement d’eau en sang, sinon que « leur cœur insensé a été obscurci ? Car en se disant sages ils sont devenus fous, et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible[4]. » La gloire du Dieu incorruptible est pure comme l’eau ; l’image d’un homme corruptible est changée comme le sang. Voilà ce qui se passe dans le cœur des impies ; car en lui-même Dieu demeure immuable, et il n’est pas changé, quoique l’Apôtre ait dit : « Ils ont changé. »
3. Voici le second précepte : « Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu[5]. » On ne se purifiera point en prenant en vain le nom du Seigneur son Dieu. Or le nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur est la vérité, puisqu’il a dit : « Je suis la vérité[6]. Donc la vérité purifie, comme la vanité souille. Mais dire la vérité, c’est parler avec la grâce de Dieu, puisque dire le mensonge c’est parler de son propre fonds[7]. De plus, dire la vérité c’est parler raisonnablement, et parler, en vain c’est plutôt faire du bruit que parler ; d’où il suit que l’amour de la vérité est l’objet du second précepte et que l’amour de la vanité est défendu par lui : Comme la vanité ne fait qu’un

  1. Exod. 7, 10-12
  2. Exod. 20, 3
  3. Id. 7, 20
  4. Rom. 1, 21-23
  5. Exod. 20, 7
  6. Jn. 14, 6
  7. Jn. 8, 44