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afin de ne pas toucher ce qui est impur, de ne vivre pas au milieu des coupables : mais il n’en fit rien. Et pour empêcher de croire que sa conduite fût inspirée par le besoin plutôt que par la charité, Dieu lui offrit un autre peuplé : « Je ferai de toi, lui disait-il, une grande nation ; » afin de pouvoir anéantir cette race coupable. Moise n’accepte point, il demeure uni à ces pécheurs, il prie pour eux. Et comment prie-t-il ? Ah ! mes frères, quel témoignage d’affection ! Comment prie-t-il ? Reconnaissez ici cette charité en quelque sorte maternelle dont il a été entre nous si souvent question. En entendant le Seigneur menacer ce peuple sacrilège, les tendres entrailles de Moïse s’émurent, et il s’offrit pour eux à la colère divine. « Seigneur, dit-il, si vous voulez leur pardonner cette faute, pardonnez-la ; sinon effacez-moi de votre livre que vous avez écrit[1]. » Quelles entrailles paternelles et maternelles tout à la fois ! Avec quelle tranquillité il parlait ainsi, l’œil fixé sur la justice et la miséricorde de Dieu ; car Dieu étant juste il ne pouvait perdre le juste, et miséricordieux ; il devait pardonner aux pécheurs.
25. Maintenant donc, sans aucun doute, votre prudence voit manifestement quel sens il faut donner à tous ces passages tirés des Écritures ; et que l’Écriture nous criant de nous éloigner des méchants, c’est simplement l’ordre de nous éloigner d’eux par les dispositions du cœur ; car en nous séparant des bons nous ferions plus de mal que nous n’en éviterions en demeurant au milieu des méchants ; témoin les Donatistes. Ah S’ils étaient vraiment bons, si par conséquent ils faisaient des observations eux méchants au lieu de diffamer méchamment les bons, qui donc ne supporteraient-ils pas, après qu’ils ont reçu comme parfaitement innocents les Maximinianistes, auparavant condamnés par eux comme de grands coupables ?
Oui, sans aucun doute, un prophète a dit : « Éloignez-vous et sortez de là, ne touchez pas ce, qui est impur. » Mais pour comprendre ses paroles, j’interroge sa conduite ; celle-ci m’explique celles-là. « Éloignez-vous », dit-il. À qui parle-t-il ? Aux justes certainement. De qui veut-il qu’ils s’éloignent ? Des pécheurs et des impies. Mais lui, s’en est-il éloigné ? Je le cherche et je découvre que non. Par conséquent, il comprenait différemment. N’aurait-il pas fait le premier ce qu’il exigeait ? Mais il s’est séparé de cœur, il a adressé des observations, des reproches ; en s’abstenant de consentir au mal, il n’a point touché ce qui est impure et en faisant des réprimandes, il est sorti innocent aux yeux de Dieu ; et si Dieu ne lui a point reproché de péchés personnels, c’est qu’il n’en a pas fait ; les péchés d’autrui, c’est qu’il ne les a pas approuvés ; de négligence, c’est qu’il n’a pas omis de parler ; d’orgueil enfin, c’est qu’il a demeuré dans l’unité.
Vous donc aussi, mes frères, tout ce que vous connaissez au milieu de vous d’hommes encore appesantis sous l’amour du siècle, d’avares, de parjures, d’adultères ; de passionnés pour les vains spectacles ; ceux qui consultent les astrologues, les fanatiques ; les augures ; les aruspices ; tous ce que vous connaissez d’ivrognes, de voluptueux, tous ceux enfin qui font le mal au milieu de vous, désapprouvez-les de toutes vos forces afin de vous séparer d’eux par le cœur, reprenez-les, afin d’en sortir ; et gardez-vous de consentir, afin de ne pas toucher ce qui est impur.

  1. Exod. 32, 31, 32