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enfin un terme au mal et pour ta récompense appelle le bien. Tu veux le bien, sans vouloir être bon ! ta vie est opposée à tes désirs ! Si c’est un grand bien d’avoir une bonne campagne quel malheur d’avoir une âme mauvaise ?
2. Le riche s’éloigna tout chagrin. «Qu’il est difficile à qui possède des richesses, dit alors le Seigneur, d’entrer dans le royaume des cieux ! » Jusqu’où va cette difficulté ? La comparaison suivante montre qu’elle va jusqu’à l’impossibilité. Prête l’oreille ; voici la difficulté : « En vérité je vous le, déclare, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. » À un chameau de passer par le trou d’une aiguille ? S’il y avait ici un puceron, ce serait déjà l’impossibilité. Aussi les disciples turent consternés de ces paroles et ils s’écrièrent : « S’il en est ainsi, qui pourra être sauvé ? » Qui le pourra parmi les riches ? ô pauvres, écoutez le Christ. Je m’adresse ici au peuple de Dieu, car les pauvres font ici la majorité. Vous au moins, ô pauvres, entrez dans ce royaume, et pourtant écoutez. Vous qui vous glorifiez de votre pauvreté, prenez garde à l’orgueil, vous seriez vaincus par des riches qui sont humbles ; prenez garde à l’impiété, la piété de certains riches l’emporterait sur vous ; gardez-vous de l’amour du vin, vous seriez au-dessous des riches qui sont sobres. Si ceux-ci ne doivent pas se glorifier de leur opulence, gardez-vous de vous enorgueillir de votre indigence.
3. Que les riches, si toutefois il en est ici, écoutent à leur tour, qu’ils écoutent l’Apôtre : « Commande aux riches de ce siècle ; » dit-il ; c’est qu’il y a des riches d’un autre siècle ; et les riches de cet autre siècle sont les pauvres, ce sont les Apôtres qui disaient : « Nous sommes comme n’ayant rien, et nous possédons tout [1]. » Afin donc de vous apprendre de quels riches il parle, il a eu soin d’ajouter : « De ce siècle. » Que ces riches du siècle écoutent donc l’Apôtre : « Commande, dit-il, aux riches de ce siècle, de ne point s’élever d’orgueil. » L’orgueil est le premier ver rongeur qu’engendrent les richesses, ver terrible qui dévore tout et réduit tout en cendres : « Commande-leur donc de ne point s’élever d’orgueil, de ne point se confier aux richesses incertaines. » Il craint que tu ne t’endormes riche pour t’éveiller pauvre. « De ne pas se confier aux richesses incertaines », ce sont les propres paroles de l’Apôtre ; « mais au Dieu vivant », dit-il encore. Le larron t’enlève ton or, qui t’enlève ton Dieu ? Qu’a donc le riche, s’il n’a pas Dieu, et si le pauvre le possède, de quoi manque-t-il ? « De ne pas se confier aux richesses, dit donc l’Apôtre, mais au Dieu vivant qui nous donne abondamment toutes choses pour en jouir », et lui-même avec toutes choses.
4. Ils ne doivent pas espérer dans leurs richesses ni s’y confier, mais au Dieu vivant : que feront-ils alors de leur fortune ? Le voici : « Qu’ils soient riches en bonnes œuvres. » Qu’est-ce à dire ? Expliquez-vous, ô Apôtre. Plusieurs refusent de comprendre ce qu’ils refusent de faire. Expliquez-vous donc, Apôtre ; n’occasionnez pas le mal par l’obscurité de votre enseignement. Dites-nous ce que signifie : « Qu’ils soient riches en bonnes œuvres. » Qu’on écoute donc, qu’on saisisse ; qu’on n’ait pas lieu de s’excuser, qu’on commence à s’accuser plutôt et à dire ce que nous venons d’entendre dans un psaume : « Je reconnais mon péché[2]. » Encore une fois, sue veulent dire ces mots : « Qu’ils soient riches en bonnes œuvres. »« Qu’ils dominent de bon cœur, » Qu’est-ce à dire encore : « Qu’ils donnent de bon cœur ? » Quoi ! ne comprend-on pas cela non plus ? « Qu’ils donnent de bon cœur, qu’ils partagent. » Tu as du bien, un autre n’en a pas ; partage avec lui, afin qu’on partage avec toi. Partage ici, et là tu recevras. Donne ici du pain, et tu recevras là du pain. Quel est le pain d’ici ? Celui que l’on recueille à force de sueurs et de travaux, après la malédiction du premier homme. Et là, quel est le pain ? Celui qui a dit – « Je suis le pain vivant descendu du ciel[3]. » Ici : tu es riche, mais là tu es pauvre. Tu as ici de l’or, mais tu ne pouls pas encore de la présence du Christ. Donne ce que tu possèdes, pour recevoir, ce que lu n’as pas. « Qu’ils soient riches en bonnes œuvres, qu’ils donnent de bon cœur, qu’ils partagent. »
5. Alors ils perdront leurs biens ? L’Apôtre a dit : « Qu’ils partagent », et non pas : qu’ils donnent le tout. Qu’ils retiennent pour leurs besoins et même au-delà. Donnons une partie. Laquelle ? La dixième ? C’est ce que donnaient les Scribes et les Pharisiens[4]. Ah ! rougissons, mes frères. Ils donnaient la dixième partie ; et pour eux le Christ n’avait point encore répandu son sang. Ces Scribes et ces Pharisiens donnaient le dixième. Et tu croirais faire quelque chose de

  1. 2Co. 6,10
  2. Jn. 6, 61
  3. Jn. 6, 61
  4. Luc. 18, 12