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sera vraiment niché parce qu’on n’y aura besoin de rien. Parce que l’ange ne possède ni montures, ni équipages, ni domestiques, ne le crois pas pauvre en comparaison de toi. Pourquoi ? C’est qu’il n’a aucun besoin, c’est qu’il manque d’autant moins qu’il est plus fort. Là donc sont les richesses et les richesses véritables. N’y transporte par les festins de la terre. Ces festins en effet ne sont que des remèdes à prendre chaque jour et indispensablement nécessaires à une sorte de maladie que nous apportons en naissant, et que chacun sent s’il vient à laisser passer l’heure de son repas. Veux-tu savoir combien cette maladie est sérieuse ? Considère que comme une fièvre aiguë elle donne la mort dans l’espace de sept jours : Ne crois pas que tu jouisses de la santé. La santé véritable c’est l’immortalité, et la santé actuelle n’est qu’une longue maladie. Parce que tu luttes contre cette infirmité par des remèdes de chaque jour, tu n’y crois pas : mets de côté ces remèdes et tu sauras ce dont tu es capable.
14. Dès notre naissance il est nécessaire que nous mourions. C’est une maladie qui conduit fatalement à la mort. En examinant l’état des malades, il arrive souvent aux médecins de dire, par exemple : C’est un hydropique, il est condamné à mort, ce mal est incurable. C’est un lépreux ; incurable également ; un phtisique, qui entreprendra de le guérir ? Il est nécessaire qu’il succombe, il mourra inévitablement. Mais lors même que le médecin à dit : C’est un phtisique, il ne peut que mourir, il arrive quelquefois que la phtisie, que l’hydropisie même et que la lèpre ne sont pas suivies de la mort ; au lieu que la naissance y mène nécessairement. C’est donc une maladie dont on meurt et dont on meurt inévitablement. L’ignorant le prédit comme le médecin ; et lors même que la mort se ferait attendre, s’ensuit-il qu’elle ne viendra point? Où donc se trouve la vraie santé, sinon où se rencontre l’immortalité véritable ? Mais l’immortalité véritable est exempte d’altération et de défaillance. Qu’a-t-elle alors besoin d’aliments ? C’est pourquoi, lorsque tu entends : « Ils auront place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob », ne pense pas à ton corps, mais à ton âme. Tu seras rassasié, car l’âme aussi a sa nourriture, et c’est de l’âme qu’il est dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés [1] ; » si bien rassasiés que jamais plus ils ne ressentiront la faim.
15. Déjà donc le Seigneur entait-le sauvageon quand il disait : « Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident et prendront place avec Abraham Isaac et Jacob ait festin du royaume des cieux ; » c’est-à-dire qu’ils seront entés sur l’olivier véritable, dont les racines sont Abraham, Isaac et Jacob ; tandis que « les enfants du royaume », ou les Juifs incrédules, « iront dans les ténèbres extérieures[2]. » Rameaux naturels ils seront coupés afin de faire place à l’olivier sauvage. Comment ont-ils mérité d’être ainsi abattus ? Par leur orgueil. Et n’est-ce pas l’humilité qui leur a substitué le sauvageon ? Aussi la Chananéenne disait-elle : « Oui, Seigneur, car les chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Ce qui lui mérite cet éloge : « O femme ! ta foi est grande ! » Le Centurion disait aussi : « Je ne suis pas digne que vous entriez dans ma demeure », et il lui fut également répondu : « Je vous le déclare en vérité, je n’ai pas rencontré tant de foi dans Israël. » Formons-nous donc ou conservons-nous dans l’humilité. Si nous ne l’avons pas encore, acquérons-la, et ne la perdons point si nous l’avons, Acquérons-la, si nous ne l’avons pas, afin d’être greffés ; et pour n’être pas retranchés, conservons-la si nous l’avons.

  1. Mat. 5, 6
  2. Mat. 8, 12