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vives instances une grâce ; la guérison de sa fille cruellement tourmentée par le démon. Tyr et Sidon n’étaient pas des villes d’Israël, mais de la gentilité, quoique fort rapprochées du peuple juif. Cette femme criait donc avec un ardent désir d’obtenir la grâce qu’elle demandait. Le Seigneur feignait de ne pas l’entendre, mais ce n’était point pour lui refuser sa miséricorde, c’était pour enflammer encore son désir ; et non-seulement pour enflammer son désir, mais encore, je l’ai déjà dit, pour mettre en relief son humilité. Elle criait donc comme si le Seigneur ne l’eût pas entendue ; mais le Seigneur préparait en silence ce qu’il allait faire. Les disciples mêmes intercédèrent pour elle auprès de lui. « Renvoyez-la, dirent-ils, car elle crie derrière nous. » Mais lui : « Je ne suis envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël. »
2. Ici, à, propos de ces paroles, s’élève une question : Si le Christ n’a été envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël, comment sommes-nous entrés de la gentilité dans son bercail ? Que signifie un si profond mystère ? Le Seigneur savait pour quel motif il venait, c’était pour établir son Église parmi tous les gentils ; et il dit n’être envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël ! Ceci nous fait comprendre qu’il devait montrer à ce peuple sa présence corporelle, sa naissance, ses miracles et la puissance qu’il fit éclater à sa résurrection ; ainsi le voulaient les dispositions antérieures, l’arrêt éternel, les anciennes prophéties. C’est aussi ce qui se réalisa, car Jésus-Christ Notre-Seigneur vint au milieu du peuplé juif, pour s’y faire voir, être mis à mort et gagner les âmes connues de sa prescience : Cette nation ne fut point réprouvée, mais secouée. Il y avait là beaucoup de paille, mais aussi de précieux grains méconnus ; il y avait de quoi brûler, mais aussi de quoi remplir le grenier. Eh ! d’où viennent les Apôtres, sinon de là ? D’où vient pierre ? D’où viennent les autres ?
3. D’où vient aussi Paul ; Paul, c’est-à-dire l’humble, car auparavant il se nommait Saül, ou le superbe ? Ce nom de Saul en effet lui venait de Saül, roi orgueilleux qui persécutait l’humble David dans ses États [1]. Lors donc que Paul portait le nom de Saul ; lui aussi était arrogant, persécutait les innocents et dévastait l’Église. Enflammé de zèle pour la synagogue et de haine contre le nom Chrétien, il avait reçu des prêtres l’autorisation écrite de livrer aux supplices tous les Chrétiens qu’il pourrait rencontrer. Il court, il respire la mort, il a soif de sang ; mais du haut du ciel la voix du Christ abat ce persécuteur qui se relève Apôtre [2]. Ainsi se vérifie cette prédiction : « Je frapperai et je guérirai[3]. » Dieu frappe dans l’homme ce qui s’élève en lui contre la majesté suprême. Un médecin est-il dur quand il porte dans un abcès ou le fer ou le feu ? Il fait souffrir, oui ; mais c’est pour rendre la santé. Il est importun ; mais s’il ne l’était, quel service rendrait-il ? D’un mot donc ; le Christ renversa Saul et releva Paul, en d’autres termes, renversa l’orgueilleux et releva l’humble. Quel autre motif avait celui-ci de vouloir changer de nom et substituer le nom de Paul à celui de Saul, si ce n’est la connaissance que ce nom de Saul porté par lui à l’époque où il était persécuteur, était un nom d’orgueil ? Il préféra pour cela prendre un nom d’humilité et s’appeler Paul, c’est-à-dire petit ; car Paul vient de parvus, petit. Aussi, heureux de ce nom, il nous donnait un bel exemple d’humilité en disant : «Je suis le plus petit des Apôtres[4]. » Mais d’où est sorti cet Apôtre, sinon du sein du peuple juif ? C’est de là aussi qu’avec Paul sont issus les autres Apôtres et ceux dont Paul assiste qu’ils ont vu le Seigneur après sa résurrection. Il dit en effet qu’ « environ cinq cents frères le virent ensemble, dont beaucoup vivent encore aujourd’hui et dont quelques-uns se sont endormis[5]. »
4. De ce peuple étaient issus encore ceux qui entendant Pierre, tout rempli de l’Esprit-Saint, prêcher la passion, la résurrection et fa divinité du Christ, au moment même où après avoir reçu l’Esprit de Dieu, les disciples parlaient les langues de tous les peuples, se sentirent touchés de componction et cherchèrent des moyens de salut. Ils comprenaient qu’ils étaient coupables du sang du Christ ; coupables pour avoir crucifié 'et mis à mort Celui au nom duquel ils voyaient s’accomplir de tels prodiges et descendre visiblement le Saint-Esprit.
5. Ils cherchaient donc des moyens de salut et il leur fut répondu : « Faites pénitence et que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et vos péchés vous seront remis. » Qui désespérerait du pardon quand le pardon est accordé aux meurtriers mêmes du

  1. Rois, 18 – XXIV
  2. Act. 9
  3. Deu. 32, 39
  4. 1Co. 15, 9
  5. 1Co. 15, 6