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rempli de ténèbres ? L’Apôtre : s’écrie donc : « En se disant sages, ils sont devenus insensés. » Qu’étaient-ils avant de se dire tels ? « Leur cœur impertinent était obscurci [1]. » Dis donc que tu n’es pas la lumière ; tout au plus est-il l’œil, tu n’es pas la lumière. Que sert, sans lumière, d’avoir l’œil bon et ouvert ? Dis donc que tu n’as pas en toi la lumière, et écrie-toi avec, le Prophète : « C’est vous, Seigneur, qui allumerez mon flambeau ; c’est vous, Seigneur, qui par votre lumière éclairerez mes ténèbres[2]. » Je n’ai à moi que ténèbres ; mais vous êtes la lumière qui dissipe les ténèbres, la lumière qui m’éclaire. Par moi je ne suis pas la lumière et je ne puis en emprunter qu’à vous.

9. Jean, l’ami de l’Époux, passait pour le Christ, on le prenait pour la lumière. « Il n’était pas la lumière, mais pour rendre témoignage à la lumière véritable. » Quelle est la lumière ? « La lumière véritable. » Quelle était la lumière véritable ? « Celle qui éclaire tout homme », et conséquemment Jean lui-même ; qui disait et confessait avec tant de raison : « Nous avons tous reçu de sa plénitude[3]. » N’était-ce pas dire : « C’est vous Seigneur, qui allumerez mon flambeau ? » Une fois éclairé, il rendait témoignage ; oui, à cause des aveugles, ce flambeau rendait témoignage au jour, N’est-il pas un flambeau ? « Vous avez envoyé vers Jean, dit le Sauveur, et vous avez voulu, un moment, vous réjouir à sa lumière ; il était un flambeau ardent et luisant [4]. » Un flambeau, c’est-à-dire quelque chose d’allumé pour éclairer. Ce qui peut s’allumer peut aussi s’éteindre. Pour ne pas s’éteindre, il faut se mettre à l’abri du vent de l’orgueil. Aussi « je vous confesse, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents », à ceux qui se croyaient lumière et n’étaient que ténèbres, et qui ne pouvaient être éclairés, parce qu’étant ténèbres ils se croyaient lumière. Pour ceux qui étant ténèbres aussi se confessaient ténèbres, c’étaient des petits et non des grands, des humbles et non des orgueilleux. Aussi avaient-ils droit de dire« C’est vous, Seigneur, qui allumerez mon flambeau. » Ils se connaissaient, louaient le Seigneur et ne s’écartaient pas de la voie du salut. Ils louaient, ils invoquaient le Seigneur, et se trouvaient délivrés de leurs ennemis. Tournons-nous vers le Seigneur, etc[5].

SERMON LXVIII. LA SAGESSE DU SIÈCLE[6].

ANALYSE. – Quels sont les prudents et, les sages à qui le Père n’a point révélé les vérités chrétiennes, la divinité de son Fils ? Il y en a de deux sortes. Ce sont d’abord ceux qui en s’appliquant à l’étude de la créature ne se sont point élevés jusqu’à la connaissance du Créateur. Ce sont ensuite ceux qui après avoir connu Dieu ne l’ont point glorifié par une humble soumission, mais se sont laissés aller aux vaines fumées de l’orgueil.

1. Nous avons entendu le Fils de Dieu s’écrier : « Je vous confesse, moi Père, Seigneur du ciel et de la terre. » Pourquoi le confesse-t-il ? De quoi le loue-t-il ? « Parce que, dit-il, vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents et que vous les avez découvertes aux petits. » Quels sont ces sages et ces prudents ? Quels sont ces petits ? Quelles sont les vérités cachées aux sages et aux prudents, révélées aux petits ? Le Sauveur nomme ici sages et prudents ceux dont Paul a dit : « Où est le sage ? Où est le Scribe ? Où est l’investigateur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie les sages de ce monde[7] ? » Cherches-tu néanmoins à savoir encore quels sont ces derniers ? Ce sont peut-être ces esprits qui ont beaucoup parlé de Dieu pour en dire des faussetés, qui enflés de leurs connaissances n’ont pu s’élever jusqu’à la connaissance de Dieu, et ont vu Dieu, dont la nature est incompréhensible, dans l’air, dans l’éther, dans le soleil, ou dans quelqu’autre partie distinguée de l’univers. En contemplation devant la grandeur, la beauté et la force des créatures, ils se sont arrêtés là sans découvrir le Créateur.

  1. Rom. 1, 21-22
  2. Psa. 17, 29
  3. Jn. 1, 8-10
  4. Jn. 5, 33-35
  5. Voir ci-dessus,Serm. I
  6. 1Co. 1, 20
  7. 1Co. 1, 20