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à celui dont il est écrit : « Un mort ne peut confesser, car il est comme s’il n’était pas. » Qui le ressuscitera sinon Celui qui après avoir fait enlever la pierre du tombeau s’écria ; « Lazare, viens dehors ? » Mais venir dehors, n’est-ce point manifester ce qui était caché ? Celui qui confesse vient dehors. Il ne pourrait venir dehors s’il ne vivait, et il ne pourrait vivre s’il n’était ressuscité. Ainsi donc c’est louer Dieu que de se confesser coupable.

3. A quoi sert l’Église, dira-t-on, si c’est la voix du Seigneur qui ressuscite le pécheur sortant du péché par la confession ? À quoi sert pour celui-ci cette Église à qui le Seigneur a dit : « Ce que vous délierez sur la terre sera délié aussi dans le ciel[1] ? » Considère encore Lazare ; il sort avec ses liens. Il vivait alors puisqu’il confessait ; mais enveloppé de liens il ne marchait pas encore librement. Que fait donc l’Église, cette Église à qui il a été dit : « Ce que vous délierez sera délié ? » Ne fait-elle pas ce qu’aussitôt après le Seigneur commanda à ses disciples : « Déliez-le et le laissez aller[2] ? »

4. Ainsi donc, soit que nous accusions, soit que nous louions Dieu, toujours nous louons le Seigneur. Oui, c’est louer Dieu que de nous accuser avec piété. Le louer, c’est en quelque sorte célébrer Celui qui est sans péché ; et nous accuser, c’est rendre gloire à celui qui nous a ressuscités. Fais cela et l’ennemi ne trouvera aucun moyen de te circonvenir devant le Juge. Si en effet tu es ton propre accusateur et que Dieu soit ton Libérateur, cet ennemi sera-t-il autre chose que calomniateur ? C’est avec raison que cet ancien a cherché ici un appui contre des ennemis, non pas contre des ennemis visibles, contre la chair et le sang, qui sont plutôt à plaindre qu’à redouter ; mais contre ces ennemis en face de qui l’Apôtre nous invite à courir aux armes. « Nous n’avons pas, dit-il, à combattre contre la chair et le sang ; » c’est-à-dire contre les hommes que vous voyez sévir contre vous : ce sont des vaisseaux employés par autrui, des instruments de musique touchés par d’autres mains. « Pour livrer le Seigneur, dit le texte sacré, le diable s’introduisit dans le cœur de Judas[3]. » Où est alors ma culpabilité, diras-tu ? Écoute l’Apôtre : « Ne donnez point lieu au diable[4]. » Mais par ta volonté mauvaise tu lui as donné lieu ; il est entré, il te possède, il te dirige, et si tu ne lui donnais pas lieu, il ne te maîtriserait pas.

5. A nous donc cet avertissement : « Nous n’avons pas à combattre contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances. Serait-ce contre les rois de la terre, contre les puissances du siècle ? Non. Pourquoi ? Ne sont-ils pas chair et sang ? et il a été dit : « Ni contre la chair ni contre le sang. » Loin d’ici donc la pensée des hommes. Quels sont alors nos ennemis ? « Contre les princes et les puissances de malice spirituelle, contre les dominateurs du monde. » N’est-ce pas attribuer trop au diable et à ses anges ? C’est leur attribuer trop que de les nommer simplement les dominateurs du monde. Mais pour écarter toute idée fausse, l’Apôtre explique quel est ce monde dont ils sont les dominateurs. « Dominateurs de ce monde de ténèbres, dit-il[5]. » Qu’est-ce à dire : « De ce monde de ténèbres ? » Du monde rempli de ceux : que gouverne le monde, de ceux qui l’aiment et qui sont sans foi. Voilà ceux que saint Paul appelle ténèbres, c’est de ces ténèbres que le démon et ses anges sont les gouverneurs. Ces ténèbres ne sont pas des ténèbres naturelles et immuables ; elles changent et deviennent lumière, elles croient et la foi les pénètre de clartés. On leur dira, après ce changement heureux : « Vous étiez ténèbres, et vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur[6]. » Quand vous étiez ténèbres, vous ne l’étiez pas dans le Seigneur ; depuis que vous êtes lumière, ce n’est pas en vous, c’est en lui que vous l’êtes. Qu’as-tu en effet que tu ne l’aies reçu[7] ? Nos ennemis étant donc invisibles, il faut les attaquer invisiblement. On triomphe d’un ennemi visible en le frappant ; d’un invisible, en croyant. L’homme est un ennemi visible ; visibles aussi sont les coups qu’on lui porte. Le diable est l’invisible ennemi, aussi la foi est invisible, et c’est ainsi que la lutte est invisible contre d’invisibles ennemis.

6. Comment donc cet ancien se met-il en garde contre eux ? J’avais commencé de l’expliquer, puis il m’a fallu traiter avec quelques détails de la nature de ces ennemis. Maintenant que nous les connaissons, cherchons à nous défendre. « Je louerai, j’invoquerai le Seigneur, et je serai délivré de mes ennemis[8]. » Voilà ce qu’il te faut faire ; loue, invoque, mais c’est le Seigneur que tu dois louer, invoquer ; car si tu te

  1. Mat. 16, 19
  2. Jn. 11, 14-17 ; 43-44
  3. Jn. 13, 2
  4. Eph. 4, 27
  5. Eph. 6, 12
  6. Id. 5, 8
  7. 1Co. 4, 7
  8. Psa. 17, 4