Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VI.djvu/304

Cette page n’a pas encore été corrigée

écrit au même endroit : « Ce qu’immolent les gentils, ils l’immolent aux démons et nonà Dieu ; or je veux que vous n’ayez aucune société avec les démons [1]. » Nous savons donc que cette statue n’est pas un Dieu. Puissent-ils le savoir aussi ! Mais à cause des faibles qui l’ignorent, il faut éviter de blesser leur conscience. Tel est l’avertissement de l’Apôtre. L’autel que ces malheureux ont dressé ne témoigne-t-il pas qu’ils veulent y honorer quelque divinité et qu’à leurs yeux cette statue est une divinité réelle ? Pourquoi un autel si l’on n’y voit pas de divinité ? Que personne ne me dise : Il n’y a ni Dieu ni divinité. Je me suis écrié déjà : Puissent-ils le savoir aussi bien que nous tous ! Mais, encore une fois, cet autel nous montre ce qu’ils voient là, quelle idée ils ont de la statue et ce qu’ils font. En condamnant ainsi tous ceux qui l’adorent, ah ! que cet autel ne condamne point tous les convives.
11. Si les païens fatiguent ! le corps du Christ, que les Chrétiens ne le fatiguent pas. Ne disions-nous pas effectivement que ce corps sacré était quelquefois pressé et non pas touché ? Le Sauveur supportait ceux qui le pressaient et il cherchait à être touché. Ah ! plaise à Dieu, mes frères, que les païens seuls pressent ce corps, ainsi qu’ils en ont l’habitude, et que les Chrétiens ne le pressent pas ! C’est à vous, mes frères, que nous devons parler ; notre devoir est de nous adresser aux Chrétiens. « M’appartient-il, dit l’Apôtre lui-même, de juger ceux qui sont dehors[2][3]our les amener à la vérité, nous leur parlons avec douceur ; il s’agit en vous de percer un abcès. Voulez-vous apprendre ce qui convainc les païens, ce qui les éclaire, ce qui les amène au salut ? Cessez d’assister à leurs solennités, rompez avec leurs niaiseries, et s’ils n’admettent pas encore nos vérités, déjà ils rougiront de se voir en petit nombre.
12. Si ton chef est bon, il t’édifie ; il te tente s’il est mauvais. Reçois avec bonheur l’édification et que ta tentation serve à t’épurer, sois de l’or. Figure-toi que ce monde est la vaste fournaise d’un orfèvre : partout, en si petit espace que ce soit, on peut distinguer trois choses de l’or, de la paille et du feu. Le feu prend à la paille et à l’or ; la paille brûle et l’or s’épure. Un homme vient de fléchir devant les menaces, il s’est laissé conduire au banquet de l’idole : hélas ! cet homme n’était qu’une paille, j’en vois la cendre. Cet autre n’a molli ni devant les menaces, ni devant la terreur des supplices ; on l’a conduit en présence du juge, il s’est montré ferme dans la foi, il n’a point fléchi devant l’idole. Que fait en lui la flamme ? Ne l’épure-t-elle pas comme l’or ? Mes frères, soyez fermes dans le Seigneur ; il vous a appelés et il est le plus fort. Ne redoutez pas les menaces des impies. Vous rencontrez des ennemis, c’est pour vous un sujet de prières et non un sujet de frayeur. Là est polir vous le salut, puisez, puisez à cette table sacrée ; buvez ici la sagesse et là ne buvez point la folie ; demeurez fermes dans le Seigneur et si vous êtes de l’argent, vous deviendrez de l’or. Cette comparaison ne vient pas de nous, mais des divines Écritures. Vous avez le en effet, ou entendu lire : « Il les a éprouvés comme l’or dans la fournaise et les a reçus comme un holocauste [4]. » Voilà ce que vous deviendrez dans ; les trésors divins. Soyez riches de Dieu. Vous ne l’enrichirez pas, vous serez enrichis par lui. Ah ! qu’il vous comble de lui-même ; que votre cœur ne s’attache qu’à lui.
13. Est-ce vous inspirer de l’orgueil ? Est-ce vous dire de mépriser les autorités établies ? Non, assurément ; et vous dont les idées ne sont pas saines à ce sujet, touchez encore la frange du vêtement sacré. « Que toute âme, dit l’Apôtre lui-même, soit soumise aux puissances supérieures ; car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et celles qui sont, ont été établies de Dieu. Aussi résister à la puissance c’est résister à l’ordre de Dieu[5]. » Mais si la puissance commande ce qui est interdit ? Alors, sans hésiter, méprise la puissance par respect pour la puissance. Contemplez dans l’autorité humaine différents degrés hiérarchiques. Quand le préteur commande, ne faut-il pas obéir ? Si néanmoins ses ordres étaient opposés à ceux du proconsul, on ne mépriserait pas l’autorité en ne les observant pas, on se soumettrait à l’autorité plus haute ; et l’autorité moindre n’a pas lieu de se blesser, quand on lui préfère une puissance supérieure. Si de même le proconsul venait à donner un ordre et que l’Empereur en donnât un autre, faudrait-il hésiter de laisser le premier pour le second ? Que faire maintenant, si les ordres de l’Empereur sont contraires aux ordres de Dieu ? – Paie le tribut, obéis-moi, dit l’Empereur. – Oui, mais non pas en servant les

  1. 1 Co. 10, 20
  2. 1 Co. 5, 12
  3. Id. 5, 12
  4. Sag. 3, 6
  5. Rom. 13, 1, 2