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avec l’Église quand elle prend contre eux quelque mesure ! comme ils vont aisément recueillir au-dehors et refusent de quitter leurs dignités comme ils sont prêts à mourir pour les conserver ! comme ils cherchent à maintenir les peuples sous leur autorité sans leur permettre de se joindre à l’unité chrétienne ! comme ils veulent s’attacher des brebis qu’ils n’ont point achetées ale leur sang et qu’ils estiment peu parce qu’elles ne leur coûtent rien ? Est-il besoin d’en dire davantage ? Regardez dans toute l’Église ; tels sont les malheureux qui restent encore dans son sein, tels sont aussi ceux qui à une occasion donnée ont été emportés par le vent : et cherchent à attirer des grains à leur suite. Mais le bon grain, le grain bien rempli supporte la paille et demeure sur l’aire jusqu’à la fin, jusqu’à l’arrivée du suprême Vanneur : comme Jacob, couvert des peaux de chevreaux supporta les péchés d’autrui et mérita de recueillir la bénédiction paternelle.
35. Pourquoi Isaac était-il comme étouffé quand il bénit Esaü ? Il était sous l’impression de la violence quand il lui dit : « Voici, tu habiteras sur la graisse de là terre et sous la rosée du ciel ; » mais ne te crois pas bon : « car tu vivras avec ton épée et tu serviras ton frère. » Néanmoins, pour ne pas te désespérer, « viendra le moment où tu secoueras et rejetteras le joug de ton cou. » Il recevra de la graisse de la terre et de la rosée du ciel ; mais Isaac est forcé, il ne lui donne point, il lui jette cette espèce de bénédiction.N'est-ce point ce qui se pratique aujourd’hui dans l’Église envers ces mauvais chrétiens qui veulent la troubler, lorsqu’on les tolère dans la nécessité de conserver la paix, lorsqu’on les admet aux mêmes sacrements ? On sait quelquefois qu’ils sont mauvais ; mais il serait peut-être impossible de les convaincre pour obtenir leur amendement ou leur dégradation ; on n’a point assez de preuves pour les exclure et les excommunier. Si l’on y travaille, on s’expose à semer des divisions dans l’Église, et le Chef du peuple chrétien est comme forcé de dire : « Soit, jouis de la graisse de la terre et de la rosée du ciel ; » reçois les sacrements ; tu y manges, tu y bois ta condamnation ; « car celui qui mange et boit indignement mange et boit son jugement [1]. » Sache que tu n’es admis qu’à cause de la nécessité de conserver la paix ; tu n’as dans le cœur que troubles et dissensions. Vis donc avec ton épée, car tu ne trouveras point la vie dans ce que tu reçois de la graisse de la terre et de la rosée du ciel ; ton plaisir n’est point là, tu ne goûtes pas combien le Seigneur est doux. Ah ! si tes délices étaient là, si tu goûtais combien le Seigneur est doux, tu imiterais son humilité et non l’orgueil du diable. Ainsi tout en recueillant de la rosée du ciel et de la graisse de la terre le touchant mystère de l’humilité du Sauveur, il ne quitte point son orgueil de démon ; mais je ne puis rien contre le démon qui prend toujours plaisir aux dissensions et aux séditions. Quoiqu’on t’accorde cette communion formée de la rosée du ciel et de la graisse de la terre, tu vis néanmoins de ton épée, les séditions et les dissensions font ta joie ou ton épouvante. Change donc et rejette de ton cou ce joug ignominieux.
36. Voilà, mes frères, ce que j’avais à. vous dire. Vu la grandeur des mystères, c’est peu ; vu le temps, nos forces et les vôtres, c’est beaucoup. Quoique le sujet n’ait pas été traité plus à fond, on y entrevoit de profondes vérités que l’on peut développer ensuite. Ayez égard au temps qui nous presse, à nos forces et à vos propres dispositions. Voulez-vous recevoir davantage ? Croissez Voulez-vous croître ? Vivez saintement. Ne vouloir pas vivre saintement c’est ne vouloir pas croître. Daigne le Seigneur notre Dieu, au souvenir de la naissance au ciel de son martyr Vincent, vous faire goûter ces aliments spirituels. Vincent est un nom de victoire. Pour vaincre, il faut aimer. La persécution ne manque pas ; le diable persécute toujours et l’occasion de mériter la couronne ne fait pas défaut : seulement que le soldat du Christ sache combattre et qu’il connaisse l’ennemi qu’il doit vaincre. Si l’ennemi visible ne frappe pas sur toi, est-ce que l’invisible tyran ne cherche pas à te prendre aux attraits de la chair ? Combien il fait de mal ! combien il en fait en excitant la convoitise ! combien il eut fait en inspirant la terreur ! Par quelles séductions il te persuade de courir aux devins et aux astrologues, lorsque tu as mal à la tête ! Ne pas recourir à Dieu et chercher ces remèdes diaboliques, c’est être vaincu par le démon. Mais voici pour le vaincre.
On te suggère d’appliquer au corps malade l’un de ces remèdes ; un autre, dit-on, a été guéri par là ; je le crois, il a sacrifié au démon, le démon possède le cœur et laisse le corps en repos ; si donc on conseille à un homme quel

  1. 1 Cor. 11, 29