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dire de la foi véritable, de la foi droite, de la foi catholique, de la foi qui ne repose pas sur les présomptions de l’esprit mais sur les témoignages de l’autorité, de la foi qui ne flotte pas incertaine au souffle téméraire des hérétiques, mais qui demeure fortement établie sur la vérité apostolique. Voilà donc ce qu’elle nous fait connaître, ce qu’elle nous donne à croire. Tant que la foi nous purifie encore, nous ne voyons cette vérité ni des yeux du corps ni des yeux du cœur. Cette même foi cependant nous assure avec une exactitude et une force incomparables que le Père, le Fils et le Saint-Esprit forment une inséparable Trinité, un seul Dieu et non pas trois Dieux : un seul Dieu, sans que, toutefois, le Fils soit le Père et sans que le Père soit le Fils, sans que le Saint-Esprit soit le Père ou le Fils, car il est l’Esprit et du Père et du Fils. Cette ineffable Divinité, cette Trinité ineffable, qui demeure en elle-même et qui néanmoins renouvelle toutes choses ; qui crée et répare, qui envoie et rappelle, qui juge et absout, nous la savons non moins inséparable qu’elle est ineffable.

3. Mais quoi ? Le Fils vient séparément avec son humanité ; séparément l’Esprit-Saint descend du ciel sous forme de colombe, et séparément encore la voix du Père crie du haut du ciel : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » Comment donc la Trinité est-elle inséparable ?

Dieu vient par moi de vous rendre attentifs. Priez pour nous, conjurez-le, en ouvrant votre cœur, de nous donner de quoi le remplir. Appliquons-nous ensemble. Vous voyez quelle est notre entreprise ; vous connaissez et ce que nous projetons, et ce que nous sommes, de quoi nous voulons vous parler et où nous sommes placés ; placé hélas ! dans ce corps qui se corrompt et appesantit l’âme, dans cette maison de boue qui abat l’esprit, malgré tous ses efforts pour s’élever[1]. Je rappelle cet esprit répandu sur tant d’objets, je veux l’appliquer au Dieu unique, à l’inséparable Trinité, pour chercher à vous en parler, pour essayer de vous entretenir convenablement d’un si grand sujet ; mais pensez-vous que sous le lourd fardeau de ce corps je pourrai m’écrier : « C’est vers vous, Seigneur, que j’ai élevé mon âme[2] ? » Ah ! qu’il me vienne en aide et l’élève avec moi. Je suis trop faible et c’est un poids trop lourd pour moi.

4. Les frères les plus studieux proposent souvent la question suivante, les amis de la parole de Dieu se demandent souvent et souvent on frappe au cœur de Dieu en disant : Le Père fait-il quelque chose sans le Fils et le Fils agit-il quelquefois sans le Père ? Restreignons-nous pour le moment au Père et au Fils, et lorsque nous serons tirés de cette difficulté par Celui à qui nous disons : « Soyez mon aide, ne me délaissez pas ; » nous comprendrons que l’Esprit-Saint agit toujours aussi avec le Fils et le Père. Appliquez donc, mes frères, votre attention au Père et au Fils. Le Père fait-il quelque chose sans le Fils ? Nous répondons que non. En doutez-vous ? Mais que fait-il sans Celui par qui tout a été fait ? « Tout, dit l’Écriture, a été fait par lui. » Et pour ne rien laisser à désirer aux esprits lourds, aux intelligences lentes et difficiles, elle ajoute : « Et sans lui rien n’a été fait[3]

5. Mais quoi, mes frères, tout en voyant dans ces paroles : « Tout a été fait par lui », la preuve que le Père a fait par son Verbe, que Dieu a fait par sa Vertu et par sa Sagesse toutes les créatures qui ont été faites par le Fils ; dirons-nous que tout a été fait par lui au moment de la création, mais que le Père aujourd’hui ne fait plus tout par lui ? Non : que cette pensée s’éloigne du cœur des fidèles, qu’elle n’entre point dans l’esprit des hommes religieux, dans l’entendement des âmes pieuses. On ne saurait admettre que Dieu ait créé et ne gouverne point par son Fils. Comment ce qui a l’être serait-il dirigé sans lui, puisque c’est lui qui a donné cet être ? Mais recourons au témoignage de l’Écriture. Elle enseigne, non-seulement que tout a été fait et créé par lui, comme nous l’avons rappelé en citant ces paroles de l’Évangile. « Tout a été fait par lui et sans lui rien n’a été fait ; » mais encore que tout ce qu’il a fait est régi et gouverné par lui. Le Christ, vous venez de le reconnaître, est la Vertu de Dieu, la Sagesse de Dieu. Mais n’est-ce pas de la Sagesse qu’il est dit : « Elle atteint avec force d’une extrémité à l’autre et dispose tout avec douceur[4] ? » Ainsi donc, gardons-nous d’en douter : Celui par qui tout a été fait, gouverne également tout, et conséquemment le Père ne fait rien sans le Fils ni le Fils sans le Père.

6. Ici se présente une question et nous entreprenons de la résoudre au nom du Seigneur et par sa volonté. – Si le Père ne fait rien sans le Fils, ni le Fils rien sans le Père, n’en devons-

  1. Sag. 9, 15
  2. Psa. 85, 4
  3. Jn. 1, 3 ».
  4. Sag. 8, 1