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reçu effectivement la paix du Christ et ils ont cessé de persécuter les chrétiens. Aussi a-t-on bâti des Églises à la faveur de cette paix, établi et cultivé de nouveaux peuples dans le champ de Dieu, et toutes les nations s’enrichissent par la foi, par l’espérance et par la charité qu’inspire le Christ.
15. La transmigration de Babylone eut lieu sous Jéchonias, à qui on ne permit plus de régner sur les Juifs : c’était un emblème du Christ dont les Juifs ne voulurent plus pour leur roi. Israël passa parmi les gentils, les prédicateurs de l’Évangile se tournèrent aussi vers les peuples païens. Est-il alors étonnant que l’on compte deux fois le nom de Jéchonias ? Jéchonias figurait le Christ passant des Juifs aux gentils. Mais ainsi placé entre les. Juifs et les gentils, qu’est-ce que le Christ ? N’est-il pas cette célèbre pierre angulaire ? Considère l’angle d’une maison : cet angle ne termine-t-il pas un mur pour en commencer un autre ? On comprend également la pierre angulaire dans la mesure de l’un et de l’autre mur ; il unit les deux murs et on le compte deux fois. En figurant le Seigneur, Jéchonias le figurait donc comme pierre angulaire. Et de ni même qu’on ne laissa point ce prince régner sur les Juifs, et qu’il alla à Babylone ; ainsi « après avoir été rejeté par les architectes » le Christ « est devenu la pierre angulaire [1] », l’Évangile a été annoncé aux gentils. Ne crains donc pas de compter deux fois cette première pierre angulaire ; tu obtiendras le total de l’écrivain sacré, tu compteras jusqu’à trois fois les quatorze générations, sans néanmoins parvenir à la somme de quarante-deux, mais à la somme de quarante-et-une. Quand on compte des pierres placées en ligne droite, on ne compte chacune d’elles qu’une seule fois ; mais si la ligne se brise pour former un angle, il faut compter deux fois la pierre qui forme cet angle ; cette pierre appartient réellement et au mur qui se termine à elle et à celui qui par elle commence. Ainsi en est-il des générations évangéliques. Tant qu’on reste chez le peuple juif, on compte en ligne droite les quatorze ; mais lorsqu’on brise la ligne pour tourner du côté de Babylone, Jéchonias devient comme une pierre angulaire, et comme figure d’une autre pierre angulaire infiniment vénérable, il faut le compter deux fois.
16. Voici une autre de leurs accusations : c’est qu’on compte, disent-ils, les générations du Christ par Joseph, et non par Marie. Je prie votre sainteté de se rendre encore un peu attentive. On ne devait pas, disent-ils donc, compter ainsi par Joseph. – Et pourquoi ne devait-on pas compter par Joseph ? Joseph n’était-il pas l’époux de Marie ? – Non, répondent-ils. — Qui ose dire non, quand, appuyée sur l’autorité d’un ange, l’Écriture enseigne le contraire ? « Ne crains pas, dit-elle, de prendre Marie pour « ton épouse ; car ce qui a été engendré en elle « vient du Saint-Esprit. » À Joseph encore elle commande de donner le nom à l’enfant, quoiqu’il ne soit pas né de lui. « Elle l’enfantera un fils et « tu lui donneras le nom de Jésus. » Ainsi tout en s’attachant à montrer que le saint Enfant n’est pas né de Joseph, tout en répondant, aux inquiétudes de Joseph, qu’il « vient du Saint« Esprit », la même Écriture ne lui ôte pas l’autorité paternelle, puisqu’elle lui commande de donner le nom à l’Enfant. Bien sûre enfin qu’elle ne lui doit pas la conception du Christ, la Vierge Marie le nome père de son fils.
17. Observez dans quelles circonstances. Notre-Seigneur était âgé de douze ans, de douze ans comme homme ; car en tant que Dieu il est au-dessus et en dehors de tous les temps ; et il resta séparé d’eux dans le temple, discutant avec les docteurs qui admiraient sa doctrine. Au sortir de Jérusalem ses parents le cherchèrent dans leur compagnie, c’est-à-dire parmi ceux qui marchaient avec eux ; et ne le trouvant point, ils rentrèrent tout alarmés dans Jérusalem, et le trouvèrent discutant dans le temple avec les anciens, quoiqu’il ne fût, comme j’ai dit, âgé que de douze ans. Qui pourrait néanmoins s’en étonner ? Le Verbe de Dieu ne garde jamais le silence, quoiqu’on ne l’entende pas toujours. On le découvre donc dans le temple et sa mère lui dit : « Pourquoi avez-vous agi de la sorte envers nous ? Votre père et moi nous vous « cherchions dans l’affliction. – Ignoriez-vous, reprit-il, que je dois être occupé des intérêts de mon Père[2] ? » Il répondit ainsi comme étant le Fils de Dieu et dans le temple de Dieu. Ce temple en effet n’était par le temple de Joseph, mais le temple de Dieu. Donc, objectera quelqu’un, il ne dit point qu’il était le fils de Joseph. – Écoutez avec un peu plus de patience ; mes frères, car nous avons peu de temps et il faut achever ce discours. Marie ayant dit :

  1. Ps. 107, 22
  2. Lc. 2, 42, 49