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pour rendre témoignage à la virginité de son épouse ? Est-il étonnant que si la faiblesse humaine l’a fait chanceler, il ait été raffermi par une autorité divine ?
10. Voici en effet ce qui suit dans le récit évangélique : « Comme il s’occupait de ces pensées, un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie ton épouse ; car ce qui a été engendré en elle est du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus. » Pourquoi ce nom de Jésus ? « Parce que, poursuit l’ange, c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés[1]. » Il faut ainsi entendre que le nom hébreu de Jésus signifie Sauveur, c’est l’explication même du céleste messager. En effet, comme si on lui avait demandé : Pourquoi s’appellera-t-il Jésus ? Il ajoute en expliquant le sens de ce mot : « Parce que c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Notre foi pieuse, notre inébranlable conviction est donc que le Christ est né de la Vierge Marie par l’opération du Saint-Esprit.
11. Et qu’objectent nos adversaires ? — Si je découvre une erreur dans ce récit, tu ne saurais l’admettre avec certitude dans son intégrité. – Montre-m’en une, voyons. – Je compte les générations. — C’est à cela en effet que nous invitent, que nous entraînent nos adversaires par leurs accusations. Mais si – nous vivons dans la piété, si nous croyons au Christ, si nous ne cherchons point à sortir prématurément du nid, leurs efforts aboutissent à nous faire mieux connaître les mystères. Que votre sainteté remarque ici de quelle utilité sont pour nous les hérétiques ; j’entends de quelle utilité selon Dieu, qui tire le bien du mal même. Pour eux ils recevront ce que mérite leur volonté perverse, ils ne seront pas récompensés du bien que Dieu sait tirer de leurs actes. Citons Judas, quels heureux résultats Dieu a su faire découler de sa conduite ! les nations doivent leur salut à la passion du Sauveur ; mais le Sauveur ne doit-il pas sa passion à la trahison de Judas ? Dieu a donc sauvé les peuples par la passion de son Fils et il punit Judas de son crime. C’est ainsi qu’en se contentant de la simplicité de la foi, nul ne pénétrerait les mystères de l’Écriture ; et comme nul ne s’occuperait de les pénétrer s’il n’y était poussé par les accusateurs, on ne les éclaircirait point. Devant les calomnies des hérétiques, les faibles se troublent ; en se troublant ils cherchent, et en cherchant ils font comme ces petits enfants qui frappent de la tête le sein de leur mère pour en faire couler autant de lait qu’il leur en faut. Les faibles une fois troublés cherchent donc ; et ceux qui connaissent, ceux qui ont approfondi parce qu’ils ont médité et que Dieu a ouvert à leur persévérance, leur exposent à leur tour la vérité découverte par eux. Il est donc incontestable qu’en cherchant par leurs accusations à entraîner dans l’erreur, ces hérétiques servent à faire briller la vérité. On la chercherait avec plus de négligence, si elle ne rencontrait des ennemis menteurs. « Il faut, est-il écrit, qu’il y ait des hérésies. » Et comme si nous en demandions la raison : « Afin que l’on connaisse ceux qui sont éprouvés parmi vous », continue aussitôt l’écrivain sacré[2].
12. Qu’objectent enfin nos adversaires ? — Matthieu résume le nombre des générations ; d’Abraham à David il en compte quatorze ; quatorze depuis David jusqu’à la transmigration de Babylone ; et depuis la transmigration de Babylone, jusqu’au Christ, quatorze encore. Multiplie quatorze par trois, tu obtiens quarante-deux. Pour eux, en additionnant ces générations, ils n’en trouvent que quarante-et-une, ce qui provoque leurs accusations, leurs dérisions et leurs insultes. Mais pourquoi l’Évangile affirme-t-il qu’il y a trois fois quatorze générations, tandis qu’en les prenant toutes l’une après l’autre on en obtient, non pas quarante-deux, mais quarante-et-une ? C’est assurément un profond mystère. Et nous sommes heureux, nous remercions le Seigneur de nous faire découvrir, à l’occasion des outrages lancés contre nous, une vérité d’autant plus agréable à saisir qu’elle était plus profondément ensevelie dans l’ombre. Nous le disions en commençant, nous donnons ici un spectacle tout spirituel.D'Abraham à David, il y a donc quatorze générations. On reprend ensuite à Salomon, fils de David, et de Salomon on va jusqu’à Jéchonias, sous qui eut lieu la transmigration de Babylone. Or en comprenant Salomon, le chef de cette série et Jéchonias qui en est le terme, on compte encore quatorze générations. Pour la troisième série, elle commence à ce même Jéchonias.
13. Que votre sainteté goûte ici un mystère

  1. Mt. 1, 1-21
  2. 1 Cor. 11, 19