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c’est le Seigneur qui nous a dit : L’œuvre de Dieu consiste à croire en « son Envoyé ; » et c’est toi qui affirmes que l’œuvre de Dieu consiste dans la justice. Prouve donc que la justice est de croire au Christ. – Je m’empresse de répondre à ta juste demande. Te semble-t-il que croire, au Christ ne soit pas justice ? Qu’est-ce alors ? Donne un nom à cet acte. Or, si tu fais bonne attention à ce que tu as entendu, tu me répondras sans aucun doute que cet acte est un acte de foi ; la foi est de croire au Christ. – J’y consens, croire au Christ c’est avoir la foi. – Écoute maintenant cet autre passage de l’Écriture : « Le juste vit de la foi. [1] » Accomplissez la justice, croyez : « Le juste vit de la foi. » Il est difficile de se mal conduire quand on croit comme il faut. Croyez de tout votre cœur, croyez sans chanceler, sans hésiter, sans opposer à la foi des conjectures humaines. La foi, fides, vient de ce que l’on fait ce qu’on dit. Il y a dans ce mot deux syllabes ; la première vient de faire, a facto, et la seconde de dire, adicto. Crois-tu ? – Oui, je crois, réponds-tu. – Fais ce que tu dis et tu as là foi. Je puis bien entendre ta voix, je ne saurais voir la foi dans ton cœur. Incapable de voir la foi dans ton cœur, est-ce moi qui t’ai loué pour travailler à la vigne ? Ce n’est pas moi qui loue, ni moi qui impose la tâche, ni moi qui me prépare à payer le denier. Je suis ouvrier comme vous, je travaille à la vigne selon la mesure des forces que le Maître daigne m’accorder ; dans quelle intention ? C’est lui qui le sait. « Peu m’importe, dit l’Apôtre, d’être jugé par vous.[2] » Vous aussi vous pouvez entendre ma voix, vous ne sauriez voir mon cœur. Mettons tout notre cœur à découvert devant le Seigneur, et agissons avec droiture. N’offensons pas Celui qui nous occupe, afin de nous présenter au paiement sans embarras.
3. Un jour, mes très-chers, mais plus tard, nous verrons mutuellement nos cœurs ; pour le moment nous sommes environnés des ténèbres de cette chair mortelle et nous marchons à la lumière des Écritures ; « nous avons, comme dit l’Apôtre Pierre, la parole plus ferme des prophètes, à laquelle vous faites bien d’être attentifs, comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour brille et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs.[3] » De là il suit, mes bien-aimés, que par notre foi en Dieu nous sommes lumière, comparés aux infidèles. Après avoir été ténèbres avec eux ; nous sommes aujourd’hui lumière : « Vous étiez la nuit, dit l’Apôtre, vous êtes maintenant le jour dans le Seigneur [4] ; » nuit en vous-mêmes et jour dans le Seigneur. Il dit également ailleurs : « Car vous êtes tous des enfants de lumière et des enfants du jour ; nous ne sommes point de la nuit ni des ténèbres[5]. – Marchons honnêtement comme pendant le jour[6]. » Ainsi nous sommes le jour, comparés aux infidèles. Mais devant ce jour où ressusciteront les morts, où ce corps corruptible revêtira l’incorruptibilité, où ce corps mortel revêtira l’immortalité[7]), nous sommes encore la nuit. En nous considérant comme lumière, l’Apôtre Jean nous dit : « Mes bien-aimés, nous sommes maintenant les fils de Dieu. » Et parce qu’il nous reste encore des ténèbres ; qu’ajoute-t-il ? « On ne voit pas encore ce que nous serons. Nous savons que lorsqu’il apparaîtra nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est[8]. » Ce sera la récompense et non le travail. « Nous le verrons tel qu’il est », oui ce sera notre récompense. Le jour sera alors aussi éclatant qu’il puisse l’être. En considérant donc le jour actuel, vivons honnêtement, et en considérant la nuit présente, ne jugeons pas les uns des autres. Noyez en effet l’Apôtre Paul lui-même. Après avoir dit : « Marchons honnêtement comme durant le jour, il ne contredit pas son collègue, l’Apôtre Pierre qui dit de son côté : « Vous faites bien de vous montrer attentifs » à cette divine parole, « comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour brille et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. » À Paul en effet ne le dit-il pas expressément ? « C’est pourquoi, conclut-il, gardez-vous de juger avant le temps. » Avant quel temps ? « Jusqu’à ce que vienne le Seigneur, qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et manifestera les pensées des cœurs : et chacun alors recevra de Dieu sa louange[9]. » Que signifie donc avant le temps, sinon avant que vous voyiez mutuellement vos cœurs ? Or n’est-ce pas ce que je disais ? Pesez un peu toutes les expressions de cette pensée. « Gardez-vous de juger avant le temps. » Quand sera-ce temps ? « Quand viendra le Seigneur pour éclairer ce qui est caché dans les ténèbres et manifester les pensées des cœurs ; et chacun alors recevra de, Dieu sa louange. » Comment seras-tu

  1. Hab. 2, 41 ; Rom. 1, 17
  2. 1 Cor. 4, 3
  3. 2 Pi. 1, 19
  4. Eph. 5, 8
  5. 1 Thes. 5, 5
  6. Rom. 13, 13
  7. 1 Jn. 3, 2
  8. 1 Cor. 5, 53
  9. 1 Cor. 4, 6