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ne se dérobe à sa chaleur [1]. » Que n’as-tu pas vu ? « Toutes les extrémités de la terre ont vu le Salut de notre Dieu[2]. » Que n’as-tu pas entendu ? « Leur voix s’est étendue sur toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux limites de l’univers[3]. »
35. Nous devons pourtant exiger de vous une parole du Christ, une parole du Pasteur adressée aux brebis et suivie par elles. Vous ne trouvez que répondre ; vous ne pouvez citer en votre laveur aucun témoignage du divin Pasteur. Écoutez mieux et obéissez ; laissez la voix du loup, suivez la voix du Pasteur, ou enfin montrez-nous ce qui vous justifie. Nous le montrons, disent-ils. – Écoutons, car nous aussi nous citons pour nous le témoignage du Pasteur. Écoutons cependant. – On voit dans les Cantiques, disent-ils, l’épouse parler à l’Époux, l’Église au Christ. – Nous connaissons le Cantique des Cantiques, ces chants sacrés, ces chants d’amour, d’amour saint, de sainte charité et de sainte douceur. Je veux donc v entendre la voix du Pasteur, la voix de l’Époux aimable. Parle, si tu sais quelque chose, écoutons. – L’Épouse, répondent-ils, dit à l’Époux : « Toi que chérit mon âme, apprends-moi où tu conduis ton troupeau, où tu le fais reposer. » Et selon eux il répond : « Au midi. » Je te citais des textes clairs, tu ne pouvais interpréter autrement que moi les suivants : « Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage et pour domaine jusqu’aux extrémités de la terre. » – « Tous les peuples les plus reculés se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui. » Qu’est-ce main tenant que tu me cites du Cantique des cantiques ? Un texte que peut-être tu ne comprends pas ; car ces cantiques sont des espèces d’énigmes, connus d’un petit nombre d’hommes intelligents, ouverts à un petit nombre de ceux qui savent frapper. Accepte, en t’y attachant avec amour, ce qui est clair, pour mériter de pénétrer dans ce qui est obscur. Comment percer ce qui est obscur si tu foules aux pieds ce qui est clair ?
36. Nous allons néanmoins, chers frères, discuter ce passage dans la mesure de nos forces ; le Seigneur nous aidera à vous montrer ici un sens irréprochable. Tous, et même les esprits les moins cultivés, peuvent d’abord le remarquer facilement, les Donatistes coupent mal la phrase ; vous allez vous en convaincre. Voici le texte exactement : l’Épouse dit à l’Époux : « Toi que chérit mon âme, apprends-moi où tu conduis ton troupeau, où tu le fais reposer. » C’est bien l’Épouse qui parle ainsi à l’Époux, l’Église qui adresse au Christ ce langage ; ni de notre côté ni du leur il n’y a de doute sur ce point. Mais rapporte donc toutes les paroles de l’Épouse. Pourquoi entreprends-tu d’attribuer à l’Époux un mot qui est encore de l’Épouse ? Dis tout ce qui vient d’elle, l’Époux répondra en suite. Sois attentif à la coupe de phrase suivante, tu n’auras rien à répliquer. « Toi que chérit mon âme, apprends-moi où tu conduis ton troupeau, où tu le fais reposer à midi. » Ces derniers mots : « à midi », sont encore de l’Épouse, ce qui le prouve c’est ce qui suit : « Dans la crainte que je ne sois comme une inconnue auprès des troupeaux de tes compagnons. » Tous sans doute, lettrés et illettrés, savent distinguer le genre masculin du genre féminin. Or de quel genre est inconnue ? Je le demande à tous : Est-ce du masculin ou du féminin ? « Toi que chérit mon âme, annonce-moi », dit-elle. Toi que, quem, est du masculin il désigne donc l’Époux. Et ce qui montre que c’est l’Épouse qui parle ainsi, ce sont les mots suivants : « Apprends-moi où tu conduis ton troupeau, où tu le fais reposer à midi, dans la crainte que je ne sois comme une inconnue autour des troupeaux de tes compagnons. » Remarque ce mot inconnue, pour bien connaître le sens. « Toi que chérit mon âme, apprends-moi où tu mènes ton troupeau, où tu le conduis à midi, dans la crainte que je ne devienne comme une inconnue autour des troupeaux de tes compagnons. » Ici s’arrêtent les paroles de l’Épouse ; voici maintenant et évidemment celles de l’Époux « Si tu ne te connais toi-même, ô la plus belle des femmes. » Il s’agit bien ici d’une femme « ô la plus belle des femmes. Si tu ne te connais toi-même, ô la plus belle des femmes, sors, va sur les traces des troupeaux et fais paître tes boucs près des tentes des pasteurs [4]. » Considère ici les menaces de l’Époux ; considère comment à l’heure du danger, il met de côté toutes les caresses, malgré sa douceur. Avec quelle grâce l’Épouse lui disait : « Toi que chérit mon âme, apprends-moi où tu conduis ton troupeau ; où tu le fais reposer à midi. » Car viendra le moment de midi, quand les bergers courent chercher l’ombre, et j’ignorerais peut-être où te conduit

  1. Ps. 18, 7
  2. Ps. 97, 3
  3. Ps. 18, 5
  4. Cant. 1, 6, 7